Exploration dans la mer interdite - RP d'event

Je marchais dans les bois, lentement. J’étais seul, j’avais froid, je me sentais mal. J’avais mal. La douleur que je ressentais au dos me paralysait presque, l’adrénaline me forçant à continuer ma route sur le tapis d’herbe qui recouvrait le rebord de la forêt. Je voyais une lumière vive percer les arbres. Le ciel était orange, rouge. Étais-ce un coucher de soleil? Le doute hantait mon esprit, et la curiosité s’emparait de mes pieds, qui forgeaient leur chemin entre les feuillus et ce, jusqu’à ce que ce grand mur d’arbres se dissipent devant moi.

L’espoir d’y trouver une belle grande plaine ouverte et légèrement venteuse sous un coucher de soleil mémorable se faisait grandement ressentir. Je désirais pouvoir reposer mon dos endolori contre une herbe fraîche, et c’est cet espoir qui me poussait à continuer ma route vers ce magnifique grand rêve qui se dressait de l’autre côté des feuillus, à la sortie de la forêt.

Quelle surprise ais-je constaté lorsque l’orangé du ciel était en réalité le simple reflet du feu qui consumait un village tout entier. Les cris de morts qui s’échappaient de la scène horrible taisaient le crépitement des flammes qui dansaient joyeusement sur le toit des maisons grandement endommagés. Une douce mélodie dont Erudith saurait apprécier, un son qui troublera les esprits de tous ceux qui oseront porter les yeux par mégarde sur une scène aussi morbide. L’odeur de bois calciné, de chair brûlé, de feuilles en consumation, la scène jouait visiblement sur tous les sens.

La chaleur me gagnait, les sueurs froides commençant à hanter les pores de la peau de mon visage alors que je ne savais dire si ce mal-être et cet inconfort venait du feu, ou de la douleur qui continuait de palper dans mon dos au rythme des battements de mon cœur… un bruit sourd et répétitif qui raisonnait à mes oreilles, et qui s’accélérait de plus en plus, au fur et à mesure que l’horreur prenait de l’ampleur devant moi. Cette horreur se reflétait dans mon visage. Le visage de ma femme se dressait sur le corps d’une pauvre dame qui fuyait les flammes, le feu en train de la consumer vivante. C’était l’enfer.

L’enfer… cet enfer, que je croyais bien déjà vivre sur Terre. Cette même Terre où mon dos avait été grandement endommagé par une expédition ayant mal tourné. Ces souvenirs me revenaient rapidement à la mémoire.

Je ne savais plus trop quoi penser. Les démons ne répondaient pas plus à ma question que ce que j’aurais préféré, faisant de moi l’ignorant que j’étais. Je commençais à perdre le peu d’estime que j’avais en eux. Ils étaient grands, forts, aidants, mais peut-être beaucoup plus racistes que ce qu’il disaient être. Mon regard attristé se rivait vers l’horizon, alors que j’espérais arriver à une rive le plus tôt possible. Non seulement le mal de mer me gagnait lentement, mais en plus, je me sentais de moins en moins à l’aise dans l’équipage. Depuis notre découverte, l’aura et beaucoup plus lourde et beaucoup plus sombre qu’avant… comme si chaque personne aimerait s’approprier ce pays, comme si tous et chacun aimerait défoncer les habitants de ces terres pour y planter son drapeau. Il est normal qu’après avoir fait couler tant de sang pour le bien-être de cette mission, chacun veuille son dû.

La grande voix d’Orion m’interpellait particulièrement, dans des dires sinistres que ne me plaisaient guère… certes elle était vivante mais sa vie était toujours fortement compromise, et c’est ce qui me poussait à me retourner vers le capitaine de ce navire, lui lançant un regard de désespoir… comme si je m’attendais à ce que le démon change d’idée, et me dise que finalement elle va survivre à coup sûr, qu’elle s’est réveillée de son coma et qu’elle danse encore paisiblement quelque part sur le grand navire… mais la mine piteuse du grand démon me ramenait durement à la sombre réalité que nous devions faire face ; elle n’était toujours pas sûre de survivre. Bien que je gardais espoir de la voir sortir de la cale un jour, je préférais de loin rester terre-à-terre et me préparer au pire. Comme ça, bien que la douleur de la perte sera présente, la déception sera moindre. La profonde marque que ma femme m’a laissée en quittant ce triste monde est toujours ouverte, et est toujours aussi douloureuse. J’ai toujours aussi peur de perdre un être cher, finalement.

Je me mordais la lèvre sous l’angoisse. La peur de perdre quelqu’un en qui j’avais un peu d’espoir. Quelqu’un que j’aurais tant aimé aider de tout mon possible, et voir que celle-ci est sur le point de franchir la porte de la mort sans même avoir réussi à goûter à un once de liberté me rendait un goût amer. Un bruit de porte qui grince ainsi que de bois frappant le sol m’interpellait, et c’est avec une lueur d’espoir plus grande que celle de la lune que mon regard se retournait rapidement vers la provenance de ces sons. Le corps frêle de Nysali, piètrement vêtue, tenant faiblement debout appuyée sur le pauvre fourreau de son épée se tenait devant nous. Elle avait survécu à son coma, finalement. Un sourire s’étirait sur mes lèvres à cette magnifique vue… quoi qu’elle faisait quelque peu pitié. Ma douce voix s’élevait, rapidement, l’appelant par son prénom pour attirer son attention. Nysali. Ce prénom aura décidément marqué ma vie.

-   Tu es vivante… !

Ce fut les seules mots que j’avais prononcé. Je préférais rester là, attendre que la visible confusion s’éclipse de son regard, mais malheureusement, le fait qu’elle était perdu semblait s’être solidement accroché à ses pupilles émeraude. Une couleur si magnifique. Le genre de couleur de yeux que j’aurais préféré avoir, comparé à mes iris vairons… de couleurs complètement atypiques, d’ailleurs. Bien que ma vision me faisait défaut à cause de cette asymétrie, la couleur de son regard était quelque chose qui m’avait autant marqué que son nom au cours de ce voyage. Jamais je n’aurais pensé qu’en fuyant mon pays natal j’allais trouver une pauvre esclave comme elle, d’une douceur et d’une gentillesse tellement flagrante qu’on ferait n’importe quoi pour tenter de la libérer. Pourtant, c’était clairement ce qui s’était passé avec moi.

Toute la nuit, je l’avais passée à réfléchir. Couché dans ma couchette, fixant les palettes de bois du plafond, je pensais à elle, au fait que la perdre m’aurait probablement blessé autant que le décès d’Eulalie, et pourtant… je ne pouvais pas faire autrement que d’attacher mon âme à la sienne, et ce, dans mes pensées. Je me promettais moi-même de la protéger jusqu’à ce que je mette les pieds en Myrefall… et encore, si rester sur ce navire signifiait passer plus de temps auprès d’elle, c’était peut-être un sacrifice envisageable pour moi. Néanmoins, l’idéal des mondes me permettrait de partir avec elle en Myrefall, m’éclipser, me faire oublier de mes détracteurs et surtout, me faire une toute nouvelle vie, paisible, avec une femme merveilleuse aux multiples talents et à la beauté marquante.

Le lendemain avait été presque aussi peu paisible, alors que j’attendais patiemment que l’on accoste. L’après-midi arrivée, enfin, nous entamions les étapes pour arrimer le navire au port de manière sécuritaire avant de finalement lever le pont, et jeter l’ancre par-dessus  bord. Nous descendions rapidement sur le quai, moi dans les premiers. Je n’avais pu faire autrement que de quitter le navire avec mes valises et mes trucs. Même si je pouvais rester sur le navire pour passer plus de temps auprès de Nysali, est-ce que mon choix de vie serait le même qu’avec Eulalie ? Rester auprès d’une femme que j’aime mais que je risque de perdre à tout va, comme ça, en oscillant les mers alors que j’ai moi-même le mal de mer? Est-ce que je désirais encore vivre dans la peur de perdre quelqu’un que j’apprécie ? Non. C’est ce qui m’avait poussé à quitter le navire et me rendre lentement au village d’Airlie, soit la ville portuaire… puis, possiblement au duché-même, en Myrefall.

Rompre le contact avec Nysali, tourner la page. Cela m’offrira une occasion de plus pour ne pas souffrir la perte d’un être cher, encore.

(Sujet clos pour ma part.)