Exploration dans la mer interdite - RP d'event

Songeuse, son paquetage à la main et son arc en travers du dos, Faëlide déambule dans Airlie à la recherche d'une quelconque occupation. Cela fait à présent trois jours qu'elle se trouve dans le bourg, il est donc grand temps qu'elle trouve quelque chose à faire... Frustrée, ne supportant plus d'ainsi tourner en rond sans trouver quoi que ce soit qui l'inspira un tant soit peu, la brune donne un énième coup de pied à un caillou –toujours le même– qui vole et roule quelques mètres plus loin. Son esprit demeure troublé, désespéramment tourné vers le nord où un Drow a préféré rester en solitaire, prétextant vouloir retaper la vieille bergerie encore à moitié en ruine par sa mise à sac.

L'elfe soupire, ferme ses yeux d'obsidienne, essaie de se ressaisir. Rien, dans son apparence, ne laisse supposer de tels troubles intérieurs et pourtant elle se sent submergée. Les rouvrant, son regard se porte un instant dans cette direction lointaine. Que peut-il être en train de faire ? Elle l'a laissé avec encore tellement à accomplir, tellement de travaux à faire ! Faëlide le sait, qu'elle ne doit pas s'en vouloir, mais c'est plus fort qu'elle. Quand bien même c'est lui qui a insisté –pour ne pas dire qu'il l'a forcée !– pour qu'elle reprenne ces rituels ; ceux de partir à l'aventure sitôt le printemps revenu ; elle ne peut s'empêcher de se dire qu'il est encore trop tôt. Mais trop tôt pour qui ? Pour elle ou bien pour lui ?

Si la brune s'est attardée plus que prévu dans les terres enneigées du Viermont, plus longtemps qu'un seul automne et un hiver, c'est uniquement à cause des circonstances... Du dur deuil auquel ils ont dû faire face. Ses poings se serrent ; le visage du Gorinn lui revient en tête et son cœur se sert atrocement à son souvenir. Qu'elle aimerait pouvoir se l'arracher, parfois. Qu'il lui manque... Leur manque ! Car l'absence de Vandein pèse sûrement bien plus au Drow qu'à elle-même, se serine-t-elle. Pourtant a-t-elle seulement déjà souffert autant ? Elle ne saurait le dire. Il a fallut du temps, après tout une demi-année s'est écoulée, mais Tholreif surmonte enfin sa peine et son chagrin ; mais elle ? Fae s'était épuisée à lui porter tout le soutien nécessaire durant l'automne, puis ensuite à l'hiver ! A un point tel que l'elfe se demande : a-t-elle seulement pu faire son propre deuil... N'a-t-elle pas plutôt occultée sa peine et sa douleur pour s'occuper de son ami et mentor, plonger corps et âme dans son sauvetage au risque d'elle-même se perdre ?

Elle secoue la tête. Que le destin peut être cruel, lorsqu'il s'y met, se désole-t-elle en silence, refoulant des larmes par déjà trop de fois déversées. Mais par habitude, parce qu'elle n'est pas seule, Fae reste impassible, imperturbable, même si ce n'est là qu'apparence et faux semblant ; un art dans lequel elle est passée maître.

Son regard sombre se porte à nouveau sur l'horizon et le ciel dégagé de tout nuage. C'est une belle journée, parfaite pour changer d'air ! Peut-être est-il venu le temps de s'en aller d'ici, essaie-t-elle de se convaincre. Toutefois son cœur n'y est pas ; rien ne l'intéresse, ne l'attire ; pourtant elle doit avancer.

Surplombant enfin le port depuis une étroite venelle à peine digne d'être mentionnée, Faëlide surveille les bateaux amarrés, et ceux effectuant leurs sempiternelles traversées. Une part d'elle espère toujours quitter ce pays, prendre le large... Rien ne semble vraiment changer d'un jour à l'autre et pourtant, quelque chose est différent ce jour-là. Mais quoi ? Il semble bien y avoir plus de navires que les deux jours précédents mais ce n'est pas encore ça. Quoi alors ? Les rayons du soleil jouent et danses sur les vagues, ses reflets l'aveuglant brièvement. Et lorsque enfin la vue lui revient, elle l'identifie :

« Le Dominium Oceanis ? »

Est-ce vraiment ce navire, se demande-t-elle étonnée. Combien de fois en a-t-elle entendu parler ? Une main en porte-à-faux, l'elfe se tend, s'étire pour mieux voir... Il lui semble pourtant bien distinguer les voiles à la couleur si caractéristique de ce que d'aucuns appellent le funeste présage, un navire démoniaque et ses célèbres pirates. Pourquoi est-il là, à la vue de tous, s'intrigue-t-elle.

Éprouvant un regain d'énergie, un élan de motivation, Faëlide se lance en direction du port sans plus rien remarquer d'autre autour d'elle. Elle ne voit plus ni les gens qui se bousculent sur son passage, ni l'enfant en train de se faire réprimander, pas plus qu'elle n'entend les vendeurs à la crié où les mouettes au dessus de sa tête. Plus rien n'a d'importance. Le navire semble irrésistiblement l'attirer.

Arrivée à bon port –sans mauvais jeu de mot–, l'elfe avance avec détermination, ses talons claquant sur le bois pourris des quais. Il y a foule, toutefois il ne faut que quelques enjambées à Fae pour gagner l'endroit où est amarré le galion. Ses yeux noirs se perdent dans les cordages, à contempler l'agitation à son bord ; des gens de toute race y gravitent, se mêlent, dans un étrange balais dés-harmonisé. Elle en a déjà vu, des bateaux ; de la vieilles bicoques qui prend l'eau à la frégate flamboyante d'un riche marchand ; mais jamais un qui ne lui ai laissé cette impression d'infime petitesse... D’oppression.

« Où il va ? » demande-t-elle à un solide gaillard empêchant quiconque de s'embarquer sans avoir son accord.

Il explique alors, crie à tous les curieux, que le navire démoniaque part en expédition outre-mer, en direction du sud. Le sud, c'est pas sa destination préférée, soupire-t-elle. Néanmoins c'est une occasion rêvée... Qui lui décroche presque un sourire dans son visage d'ordinaire fermé.

« Faëlide Caeltika, élémentaliste d'eau et chasseuse. J'en suis. » fait-elle au matelot sans un regard.

Traçant rapidement un "F", seule lettre qu'elle est capable d'écrire grâce à l'aide de Thorleif, sur le papier que lui tend l'homme, l'elfe repart officiellement vers de nouvelles aventures. Sans même sentir le remous des vagues qui font doucement tanguer le navire, Faëlide pose enfin ses pieds assurés sur le pont étonnement irréprochable. Elle s'attendait à tout, mais absolument pas à ce qu'elle est en train de voir. De l'intérieur, c'est presque sur-réaliste ; démons et humains travaillent main dans la main, elfes et drow évoluent dans le même environnement... Déjà, elle sent l'air marin lui procurer le plus grand bien. D'une main distraite, elle remet une mèche détachée derrière son oreille effilée, impatiente d'enfin prendre le large. Après une dernière pensée, la brune chaudement vêtue tourne finalement le dos au nord.