L'adoption est toujours une option (PV : Krakaa)

L’adoption est toujours

une option

Feat Jaëlle Nightweaver

L’été tirait lentement à sa fin, je sentais la fraîcheur doucement revenir entre les feuilles des arbres gigantesques de Myrthana et mon corps se battre moins férocement contre la chaleur s’accumulant sous mes plumes ébènes. J’étais une grande corneille maintenant, j’aidais mon frère à trouver de la nourriture et des branches pour notre nid, m’aventurant de plus en plus loin par moi-même dans notre territoire. Comme Croak riait de moi à chaque bourde de vol ou lorsque j’apportais des baies non comestibles, je m’étais fait un devoir de lui prouver que je n’étais plus un oisillon et de le surpasser dans ma chasse aux victuailles. Je surmontais donc ma couardise naturelle, mon œil attentif à tout fruit juteux sur mon passage… ou à tout ce qui brille. Je ne pouvais pas m’empêcher de récupérer tous les objets brillants sur mon chemin, si bien que je me faisais souvent duper par le miroitement des ruisseaux.

Or, un jour, j’aperçu entre les branches un reflet qui attira forcément mon attention. Ma curiosité insatiable était plus forte que ma crainte de ce morceau de forêt inexploré, je m’aventurais donc courageusement vers la vive lueur qui m’avait ainsi appelé. Il y avait un petit éclairci dans le boisé avec plusieurs arbres fruitiers poussant à une surprenante proximité les uns à côté des autres et au centre duquel se trouvait aussi une genre de hutte à l’intérieur d’un arbre creux. Je n’avais jamais vue de telles constructions, ce qui s’en rapprochait le plus étaient les nichoirs de pic-bois, mais cet arbre était énorme! Il devait y vivre une centaine d’animaux pour couvrir tout cet espace, ou un très très gros oiseau. Voletant un peu plus près, je me posais en face de ce qui avait causé le reflet m’ayant mené ici. Je ne voyais rien pourtant, que l’intérieur de l’entre de l'étrange pic-bois. Mon bec s’approcha alors du reflet et cogna quelque chose de dur. Ne comprenant pas trop ce qu’il venait de se passer, confus, un son à l’intérieur de la demeure me fit déguerpir à toute hâte.

Par contre, le mystère de cette hutte me trottait dans la tête et je me retrouvais bien vite à aller visiter la maison presque tous les jours. Je cognais l’étrange paroi invisible de mon bec, je prenais peur dès qu’un son se faisait entendre dans la demeure et je rapportais au passage les baies que je trouvais autour de l’entre du pic-bois géant. Un jour, c’est même du pain que j’avais déniché près de l’une des entrées vers l’intérieur de la maison. Ceci étant, je surpassais maintenant largement mon frère sur l’apport de nourriture au nid et j’en étais bien fière. Je gardais donc mon jardin de providence comme un secret bien caché pour ne pas perdre cette nouvelle admiration de mon ainé.

J’avais découvert, au cours de mes visites, que ce n’était pas un pic-bois géant qui habitait ce nichoir, mais un genre de grand papillon à forme humaine. Je savais qu’il fallait se méfier des humains, Croak me l’avait répété assez souvent, mais une ailée, ça compte? J’avais aussi fini par comprendre que c’était elle qui laissait de la nourriture dehors, elle n’avait pas l’air bien méchante et ses grandes ailes délicates ne m’inspiraient pas la terreur. Même, une fois, mon regard de la couleur du ciel ensoleillé avait croisé quelques secondes celui de la créature qui elle avait des iris de nuit étoilée… Évidemment j’avais fui aussitôt, mais je n’avais pas vue en elle la férocité des carnivores.

Aujourd’hui, l’air était lourd et chargé d’humidité. Les nuages dans le ciel s’amoncelaient tranquillement, je pressentais que la pluie allait s’abattre sur la forêt en soirée et la luminosité faiblissait de minute en minute. Je volais donc plus près du sol, priant pour qu’une tempête ne s’abatte pas sur ma tête alors que j’étais loin du nid. Comme à tous les jours, je me dirigeais vers la maison de l’ailée pour y récupérer quelques fruits, peut-être des noix ou du pain qui sait afin de garder la tête haute devant mon grand-frère.

J'étais à la hauteur du grand arbre creux, ma vitesse n'ayant pas beaucoup diminuée, mon regard troublé par ce que je voyais. Tient, c’est bizarre, il y a des arbres dans la maison du papillon? Je n’eus pas le temps de m’interroger que ma tête se fracassais contre la paroi invisible, comprenant ainsi mon erreur. Les arbres… c’étaient des reflets, comme dans l’eau d’un lac, la paroi invisible m’avait piégée. Ma tête me faisait atrocement mal, je m’étais frappé violemment contre le mur transparent, j’y avais même laissé quelques plumes. J’étais désorienté, tombant vers le sol et battant des ailes frénétiquement pour ne pas m’écraser dans les buissons, du sang s’écoulait de mon bec. Je réussi in-extremis à reprendre de l’aplomb avant la fin de ma chute, volant jusqu’au toit de la hutte de peine et de misère avec une respiration erratique, puis m’écrasant finalement sur le haut de la maison de l’ailée. Mes paupières comme mon bec s’ouvraient et se fermaient rapidement, je tentais de reprendre mon souffle alors que mon cœur semblait vouloir sortir de ma poitrine, est-ce que j'allais mourir? J’étais sonné, si bien que je ne me rendis même pas compte que la conscience avait quitté mon petit corps d’oiseau.

Ce sont des cris de femme qui me réveillèrent de ma torpeur. J’avais le pire mal de crâne de mon existence, même que tout mon corps s’était retrouvé endoloris. Une grande nausée m’envahie alors même que mes paupières étaient toujours fermées, je pris donc une grande bouffée d’air et… attend, qu’est-ce qu’il se passe? Je ne reconnaît pas ces poumons, je ne reconnais pas mon bec, je ne sent plus mes plumes… Quoi?!

J’ouvris rapidement les yeux en me redressant. Je tentais de croasser, mais même mes cordes vocales n’étaient plus les mêmes et seulement un son guttural se fit entendre. L’urgence de s’envoler se fit ressentir en moi, j’élevais mes épaules pour voler… mais qu’est-ce que c’est que ça?! Des bras? Mon regard descendit alors sur le corps que je n’avais pas encore osé voir, un corps d’humain d’une quinzaine d’années, on m’avait volé ma peau de corneille! Paniqué et prisonnier de cette nouvelle forme que je ne maîtrisais pas du tout, je m’agitais comme un pantin désarticulé dans tous les sens en poussant des cris stridents inintelligibles et espérant que mon frère vienne à ma rescousse. Mes yeux s’accrochèrent alors à ceux de l’ailée, on pouvait y lire l’affolement le plus total sans que je n’arrive vraiment à bouger du toit. J’espérais simplement qu’elle me jette un sort, qu’elle me jette un sort pour me rendre mon corps d’oiseau ou qu'elle me réveille de cet affreux cauchemar.

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La panique ne faisait qu’augmenter avec les minutes. Quel était cette malédiction? Comment retrouver mon corps de corneille? Je n’avais plus aucun repaire. Même ma vision était différente, ma vue était toute embrouillée et je ne discernais pas les formes aussi bien qu’avant. Continuant à gigoter dans tous les sens comme si on m’avait jeté au bûché, je cherchais désespérément une porte de sortie à ce cauchemar.

Soudain, apparut de nulle part un être humanoïde qui était venu à ma rencontre. Sans cesser de crier mon effroi, je la vis s’approcher et mes yeux bleus s’ouvrirent tout rond en reconnaissant le papillon bizarre que j’avais côtoyé fugacement dans les dernières semaines. Pourquoi elle était là? C’est elle qui m’avait jeté un sort? Elle venait pour me manger?

Je ne pouvais rien faire de toute façon, le regard hagard, mais mon instinct animal se manifesta et j’arrêtais de bouger brusquement comme pour ne pas attirer son attention. J’entendais seulement ma respiration extrêmement bruyante et les coups de mon cœur dans cette poitrine étrangère alors que je priais pour qu'elle passe son chemin. Cependant, ce n’était pas assez pour me rendre invisible et l’étrange créature s’approcha inéluctablement de moi. Je m’attendais à voir des crocs acérés alors qu’elle ouvrait la bouche, qu’elle me poignarde de ses griffes lorsqu’elle approcha sa main, donc je fermais les yeux pour ne pas assister à ma mort… mais rien.

Les rouvrant timidement, mes paupières étant sans doute le seul membre que je pouvais encore bouger correctement, la bouche de l’ailée ne me semblait pas hostile. Même, des mots doux en sortaient, des mots que je comprenais et un ton de voix qui calma un peu mon cœur au bord de l’explosion. Aucun mal. C’est tout ce que j’avais retenu de ses paroles. Mes yeux toujours grands ouvert de terreur et de confusion, je la regardais agiter sa main dans ma direction alors qu’elle disait vouloir me guider en bas. Je tentais vainement de lui répondre, un gargouillis terrible sortant comme toute réponse de ma bouche, puis tenta de comprendre ce que je devais faire à cette main tendue. Je fixais donc le membre de l’humanoïde puis le mien tour à tour, me demandant bien ce qu’elle attendait de moi. Ceci dit, je m’étais un peu calmé en voyant que ma vie n’était pas dans un danger immédiat. De plus, comme je n’avais rien d’autre sur quoi me raccrocher, je voulais bien faire confiance à l’ailée à la voix douce.  

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Mon corps de petit homme tremblait comme une feuille non seulement par la peur inébranlable de cette transformation impromptue, mais aussi du froid ambiant. Je venais de remarquer que les quelques poils sur mes bras s’étaient hérissés pour tenter de garder mon corps au chaud, mais ils étaient bien inutiles face à la brise soufflant sur la canopée. Quelle idée d’abandonner plumes et pellage pour une peau toute exposée? Dans tous les cas, une raison de plus pour vite retrouver mon duvet.

Ceci dit, la paume chaude de l’ailée m’était un peu plus rassurante alors qu’elle attrapait ma main crispée pour me tirer vers elle. Je me retrouvais donc assis pour la première fois de ma vie, comme ma queue avait disparue. La sensation était bizarre, je ne me sentais pas à mon aise, je tentais donc avec l’aide de l’inconnue de me redresser sur mes pattes. Mes jambes de garçon ne voulaient cependant pas me soutenir, les pieds ayant remplacé mes doigts griffus proposaient un centre d’équilibre très différent. Malgré toute ma bonne volonté, je n’arrivais pas à rester debout plus de quelques secondes. Je retombais donc inlassablement sur ces fesses qui avaient au moins la qualité d’amortir mes chutes.

Après une énième tentative de me redresser, l’humanoïde me donna son nom avec la même délicatesse qui avait guidé tous ses mouvements jusque-là. Jaëlle, plein de lettres difficiles à prononcées. Je tentais tout de même ma chance pour essayer de l’imiter, mais encore une fois sans succès. Cependant, lorsqu’elle demanda mon nom, j’étais un peu plus confiant dans ma capacité à répondre. Je me concentrais de toutes mes forces pour essayer de bouger mes lèvres comme j’aurais bougé mon bec, un croassement timide sortant de ma bouche.

-Kraaaaaka. Krakaaa… Krakaa!

Comme surpris moi-même d’avoir réussi à donner une réponse intelligible, un éclat de fierté passa dans mes yeux clairs. M’accrochant à cette petite victoire comme à une planche de salut, je me mis à répéter mon nom avec de plus en plus de conviction.

-Krakaa! Krakaa!!!

Fière de ma réussite, j’eus l’énergie de tenter de me redresser à nouveau. J’imaginais mes pattes d’oiseau et la position de mes doigts en comparaison avec ces jambes qui m’élevaient à un peu plus d’un mètre trente du sol. Ma main était toujours rigidement attachée à celle de ma salvatrice, elle rendait l’exercice un peu plus simple pour moi. Finalement, au bout de plusieurs essais, je réussi enfin à me tenir debout. Bien que ma posture fût chambranlante, au moins je pouvais espérer descendre du toit sans me rompre le cou.

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Feat Jaëlle Nightweaver

Que Jaëlle ait compris mon nom était déjà une grosse victoire, mais qu’en plus je réussisse à me tenir en équilibre sur ces jambes roses était une formidable prouesse! La gentille ailée me donnait ainsi un coup de main lorsque je fis mes premiers pas mal assurés, mes bras battant légèrement comme le réflexe de mes ailes disparues. Alors qu’elle faisait un pas en arrière, je faisais un pas pour la rejoindre. C’était incroyablement difficile et fatiguant comme exercice, mais lentement nous nous étions frayé un chemin jusqu’à un grand arbre rejoignant le toit.

Puis, d’une manière inexplicable, l’arbre nous déposa gentiment jusqu’au sol à ma grande surprise. Comme l’humanoïde ne semblait pas inquiétée par le phénomène, je restais calme durant notre petit voyage et poussa enfin un long soupir de soulagement en chœur avec la dame lorsque nos pieds rencontrèrent l’herbe verte. D’ailleurs, mes yeux s’écarquillaient en sentant chaque brin sous mes pieds, ces derniers chatouillant mon épiderme. Ne sachant trop quoi faire de cette étrange sensation, je me laissais alors retomber sur les fesses, cette position étant bien moins fatigante même si elle m’était très peu naturelle.

Je relevais finalement mes iris azure vers Jaëlle qui me disait en sécurité avant de me montrer sa maison. Je n’osais pas lui dire que je connaissais déjà sa hutte de l’extérieure depuis quelques semaines, comme je venais régulièrement y voler des fruits, mais de toute façon je n’arrivais pas à communiquer donc ce n’était pas plus mal. Je remarquais également que plus la dame s’éloignait, plus je la voyais embrouillée. Mon visage devait traduire mon incompréhension alors qu’elle me faisait des signes des bras puisqu’il me fallut des explications un peu plus exhaustives pour que je me relève sur mes échasses chambranlantes et fasse quelques pas dans le nid du grand papillon.

Tout était flou dans cette maison que j’avais pourtant zyeuté durant des jours, je ne discernais que les objets très près de moi et ça me troublait au plus haut point. Malgré ces troubles de la vue, c’est pourtant la chair de poule qui me fi frémir en premier lieu. Maintenant que la peur pour ma vie était écartée, les sensations de ce corps étranger me revenaient en force et c’est le froid qui surplombait toutes les autres. Je ne savais pas comment me réchauffer dans ce cette coquille de chair dénudée, je me rapprochais donc de Jaëlle naturellement pour profiter un peu de la chaleur qu’elle dégageait.

À ce moment, une grande tristesse m’envahie alors que mes pensées se tournaient vers mon frère qui me semblait si loin maintenant. Je voulais me blottir contre lui, qu’il me rassure, que je puisse mettre mon bec sous son aile dans notre nid douillet… mais ces retrouvailles allaient devoir attendre que je trouve un moyen de récupérer mes plumes. Sur un ton plaintif et misérable, me sentant seul, nu et perdu, je tentais finalement de communiquer le froid qui m’enserrait les membres au mieux de mes capacités à ma protectrice.

-Krakaa krrrr-krrrrroid...

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Le feu, ça je savais bien ce que ça voulait dire, mais des vêtements? Un regard plein d’interrogation se posa sur l’ailée alors que je me creusais la cervelle pour comprendre. Cependant, je n’eus pas le temps de me questionner longtemps puisque déjà Jaëlle me trainait devant un genre de trou dans le mur où des braises étaient amoncelées. Alors que je regardais les pierres embrasées, mon corps recevant la chaleur bienfaitrice, j’eus cette envie soudaine de prendre les flammes dans mes mains. C’était si joli et j’avais si froid… Alors que j’approchais mes doigts du feu sans trop réfléchir, mon instinct reprit finalement le dessus à la sensation brûlante sur mon épiderme et je retirais de suite ma main. Dommage.

Mon amie n’avait cependant pas l’air d’avoir remarqué mon moment d’égarement qu’elle me demandait d’attendre sagement devant la cheminé le temps qu’elle aille me chercher ces fameux vêtements dont elle me parlait. Ce n’est que lorsqu’elle agrippa le genre de tissus qui la recouvrait que je compris que l’humanoïde avait troqué poils et plumes pour une genre de peau supplémentaire qu’elle pouvait mettre et enlever à sa guise. C’était un peu comme les serpents dans un sens. Comme un enfant sage, j’acquiesçait finalement de la tête en comprenant son ordre de ne pas bouger de là, sans vraiment être certain que j’allais le respecter.

Lorsque Jaëlle disparue en une tache floue de ma vue, puis de la pièce, mon regard parcouru sa tanière avec curiosité. Étant encore chambranlant sur mes jambes, je tentais alors d’imiter les mammifères et de me déplacer à quatre pattes. Je me rendis vite compte que j’étais beaucoup plus stable comme ça, et je rampais donc un peu autour pour apprivoiser mon environnement. C’est alors que, sous ce que j’apprendrais plus tard être une fenêtre entrouverte, j’aperçu une plume d’un noir miroitant au sol. Une plume! Ma plume! Une joie immense s’empara de moi alors que je m’accaparais le précieux vestige de ma forme passée.

Cependant, mon éclat de bonheur fut de courte durée alors que j’entendais les pas légers de ma protectrice se rapprocher de là où j’aurais dû être. Pris de panique, j’accouru alors au bord du feu pour ne pas qu’elle ne remarque mon escapade, arrivant juste à temps mais essoufflé là où elle m’avait laissée en cachant la plume sous le petit bois. L’ailée, toujours avec une bonté incroyable, me demanda quelque chose que je ne compris pas, puis leva les bras et j’imitais son geste. Elle enfila par-dessus ma tête cette genre de seconde peau, un vêtement, et dès que j’en eus le contact, je sentais que j’allais détester cette coutume. Le tissu grattait contre ma peau, je sentais le poids de ce vêtement et alors que je battais des bras comme pour tester l’habit, je sentais cette petite restriction au niveau de mes mouvements. Très peu content, mais me laissant quand-même faire, je devais tout de même avouer que l’effet sur ma chaleur corporelle était immédiat.

Par contre, ceci ne m’empêcha pas de faire la moue alors que je relevais mes yeux bleus dépités vers Jaëlle qui elle rigolais. J’émis un petit croassement penaud comme toute réponse à son amusement. Je n’étais pas fâché contre elle, je montrais juste mon mécontentement à porter ces habits qui grattent. Pourtant, mon attention fut vite détournée vers autre chose alors que ma protectrice me pointait un panier de fruits que je distinguais dans le flou du monde par la couleur vive des vivres.  

-Krakaa Krrrr… Krrrrraim. Krraim..!

Je n’arrivais pas à prononcer le son ‘’f’’ comme elle le faisait, mais j’abandonnais assez vite pour me reconcentrer sur l’essentiel. Me trainant jusqu’au panier à quatre pattes, je me relevais lentement sur mes jambes pour atteindre les fruits et mordis une belle pomme à pleine dents de ma bouche uniquement comme je l’aurais fait avec mon bec.

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Alors que je croquais à pleine dents dans la pomme juteuse, les mots sérieux de Jaëlle me tirèrent de ma collation. Avalant de travers ma bouchée, toussotant pour faire passer le morceau de pomme dans le bon tuyau, je relevais finalement la tête avec quelques coulisses du jus fruit sur le bord des lèvres. Le ton de ma protectrice avait fait s’accéléré mon cœur, une teinte d’appréhension pouvait sans doute se lire dans mes iris de ciel d’hiver face à son sérieux.

Lorsqu’elle pointa la plume que j’avais cachée sous moi, une espèce de panique s'accapara ma tête à mesure ou elle me posait ses questions. Oui, cette plume était bien à moi, mais comme si on m’avait pris la main dans le sac à faire une bêtise, je n’osais pas le lui dire. Me tortillant sur le siège près de la table, le regard fuyant, j’avais peur de lui avouer la vérité et de me faire gronder. C’était mal de m’être transformé? Est-ce que j’allais avoir une punition? Je n’en savais rien et mon courage s’était dissipé comme la neige fond au soleil.

Puis, voyant sans doute que je n’étais pas près de répondre, Jaëlle reprit sur un ton plus doux qui m’invita à relever mon visage piteux vers le sien qui arborait maintenant un joli sourire. Elle essayait de me rassurer, mais je connaissais bien les ruses des adultes à la main de fer dans un gant de velours. Méfiant, je regardais tour à tour la plume et ma protectrice avant d’abandonner ma pomme croquée pour rapidement récupérer la plume et la cacher dans mon dos, comme si ça allait effacer son existence.

-Krrrrr… À Krakaa…. Ssssssecrret. Secret.

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Feat Jaëlle Nightweaver

Soulagé de revoir les traits doux de ma protectrice, je me détendis et l’observait avec curiosité alors qu’elle allait chercher je ne sais quoi dans un meuble. Elle revint finalement avec un livre, Croak m’avait expliqué que les Hommes consignaient leur savoir dans des livres, mais je ne savais évidemment pas lire ce qui y était écrit. Par contre, les images étaient très parlantes et je hochais la tête d’un air pensif alors que Jaëlle tentait de m’expliquer ce que les images représentaient. Ce n’était pas facile à saisir, entre hybride, humain, animal et entre les deux, les concepts restaient très flous pour moi.

J’avais les sourcils froncés, tentant de démêler les informations complexes qu’on m’avait données. Mais, quand l’ailée me dit que j’allais pouvoir adopter la forme désirée avec un peu de pratique et de patience, les liens se connectèrent dans ma tête et je sentis au fond de mon être qu’elle avait raison. Mon regard s’illumina d’espoir à l’idée de retrouver mes ailes.

-Krakaa corneille!

Espérant que le fait de le dire et d’y penser très fort aller déclencher ma métamorphose, je fermais les yeux, le front plissé par l’effort mental alors que je sommais mon corps de redevenir celui du volatile que j’avais toujours connu. Je rouvris les yeux quelques secondes plus tard pour constater que j’avais toujours ma peau rose de poulet sans plumes. Ce que je constatais aussi en rouvrant les yeux, c’est la pomme tendue par Jaëlle que j’ignorais obstinément.

-Non! Krakaa corneille!!!

Réessayant le même stratagème, je fermais les yeux et me concentrais de toute mes forces pour retrouver mon corps d’oiseau. J’avais envie de revoir Croak, de ressentir l’air sous mes ailes et de quitter le plancher des vaches. Cependant, j’arrivais toujours au même résultat et c’est le regard baissé sur la plume dans mes mains que je venais d'abandonner. Ce deuxième court essai avait suffit à me décourager, ne comprenant pas pourquoi je ne me transformais pas, ne comprenant pas pourquoi le livre avait menti.

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Feat Jaëlle Nightweaver

Je relevais les yeux aux mots de Jaëlle qui m’encourageait à manger pour me faire des forces. Logeant la plume derrière mon oreille pour ne pas la perdre, j’attrapais finalement la pomme comme elle me l’offrait, avec mes mains. Croquant dans le fruit, l’air tout aussi pensif que ma protectrice, j’écoutais attentivement ses paroles qui me semblaient pleine de sagesse.

Cependant, le sens de ses mots et son long discours me passa au-dessus de la tête, je n’avais absolument rien compris. Elle parlait de magie et d’enveloppe corporelle, des termes trop compliqués pour ma petite caboche, mais je fis mine d’avoir tout saisi malgré tout pour ne pas avoir l’air bête. J’acceptais le verre d’eau qu’elle me tendait, y buvant une gorgée pour m’apercevoir que j’étais assoiffé, puis le cala en quelques secondes.

C’est finalement le radieux sourire de l’ailée qui ranima le miens alors qu’elle me disait devoir prendre soin de ce corps. Je ne compris pas tout de suite l’ampleur de ce contrat, mais je hochais la tête, simplement heureux d’avoir quelqu’un sur qui compter pour traverse cette épreuve.

-Krakaa d’accord!

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