Remords et confession Feat Opale Virarose

La nuit dernière,

Allongée dans mon divan, face à la cheminée, vêtue d’un simple drapé blanc, mon regard se perd dans les flammes vacillantes. La pièce était assez petite, quelques bibliothèques remplies de livres avec à ma droite, un cabinet où je pouvais écrire sur du parchemin mes quelques pensées. L’hiver était là, dehors, bien que le printemps ne tardera pas à pointer ses premiers beaux jours. Je promenai mon regard sur un tableau accroché au-dessus d’un pupitre, une simple brebis égarée dans une prairie, telle que je le suis. Dans ce monde qui me paraît impur, imparfait, je me pose les questions suivantes : “Quand est-ce que le Mal finira par céder ? Quand est-ce que le Peuple arrêtera de se mutiler ?” Tout n’est qu'un jeu de haine et de politique, tout est porté sur l'apparence et les beaux discours. Mon corps se réchauffe jusqu’à ce que mon regard croise deux yeux d’un jaune vif en plein milieu des flammes, des yeux que je n’avais pour l’instant jamais vu d’aussi prêt. Ce regard me piégeait, m’engloutissait, me happait dans un dédale de pensées incontrôlées. Ma main tendue alors que les flammes finissent par s’étendre lentement, je sens que l’on m'agrippe, que l’on me sert d’une force surhumaine.

Tandis que le noir s’installait et le froid prenait possession des lieux, je sens comme un corps étranger m’effleurer les jambes. Soudain, mon corps ne peut plus bouger, comme si un rocher si énorme que personne ne pourrait m’en libérer. Le bruit des maillons en acier sur le sol ne sont pas très loin, il fait écho dans la pièce et dans mon esprit, le regard jaune vif est au dessus de mon visage entouré d’ombres. Il fait si froid. Je le vois me murmurer “Ne t’éloignes pas”. J’ouvre les yeux et me retrouve encore dans mon sofa, les flammes aussi vives que tout à l’heure. Je m’étais assoupie. N’était-ce qu’un rêve ? Je regarde mon corps, je le touche et me rends compte que j’ai encore bien froid. Quelque chose s’était passé ici. Cabalhe était là, j’en suis convaincu. Il m’observe et me hante. Je désirais ardemment l’obtenir, ne l’avoir que pour moi seulement, c’est impossible. Je suis celle qui portait sa voie, celle qui ramènerait ce Dieu Oublié parmi les vivants. Un être qui fut jadis, omis et rejeté car il a commis soit-disant l’impardonnable. Que pouvais-je faire ? Ma vie lui était dédiée au moment où je l’ai senti, où j’ai compris que nous avions scellé un pacte.


La journée était ensoleillée, bien que fraîche par les températures saisonnières. J’apportais une cape blanche sur mes épaules, préférant me réchauffer. Encore secouée de la nuit dernière, je pensais me balader un peu en cet après-midi, afin d’aller aider nos frères et sœurs, ceux qui ont besoin de prier et peut-être simplement visiter l’enceinte de la chapelle. Il s’avérait que j’avais de plus en plus de visiteurs, des curieux ou bien des esprits affutés prêt à écouter l’histoire de Cabalhe. Certains en avaient peur, d’autres au contraire étaient attentifs et réceptifs sur le pourquoi de son acte de patricide. Il y a quelques jours, avant ce tragique attentat, un homme m’avait craché au visage me traitant d’hérétique. Cabalhe l’a vu et n’a rien fait sur le coup. Il n’intervint pas à cet instant précis, cependant j’eus écho que sa femme perdit l’enfant qu’il attendait, une fausse couche. Je me sentais soulagée, je savais qu’il ne me laisserait pas tomber. Me cracher sur le visage, c’est cracher sur le Seigneur des Chaînes. A ce jour, tout va pour le mieux. J'offre du pain à des enfants, je chante en coeur avec quelques femmes, j’arbore mon plus beau sourire et respire l’air à plein poumon. Quelques hommes me regardaient, charmés certainement par ma voix. Malheureusement, pour eux comme pour moi, je n’ai pas le droit de goûter à cela.

Revenant vers ma chapelle, j’aperçois une forme étrange. Plus je me rapproche, et plus je reconnais ce visage et cet accoutrement. Ce n’est autre que Saëlle, avec qui j’avais pu converser il y a de cela quelques semaines. Tout d’abord surprise, je lui prends le bras alors qu’elle semblait attendre que je vienne lui ouvrir la porte. Aimablement, d’un son qui se veut rassurant, je lui dis :



Je distingue chez elle quelque chose d’anormal. Elle me regardait avec un regard qui me paraissait confus, limite assombri comparé à la toute première fois. Quelqu’un lui avait-il fait du mal ? Il émanait de cette femme, une sensation de tristesse ou peut-être de lassitude. Je ne saurai dire. C’est pour cela que je la questionna sur son état.



Prenant mon trousseau de clés, j’insère la plus noire dans la serrure et un bruit de cliquetis se fait entendre. Ouvrant la porte d’un grand mouvement, elle s’ouvrit avec ce vacarme venu des tréfonds avant de laisser place au calme de la chapelle. Tout y était parfaitement rangé. Rien ne traînait. Laissant la porte ouverte, je l’invite à s’installer sur un des bancs qui fait face au pupitre central. M’asseyant à ses côtés, je lui prends la main et tente de lui apporter un peu de réconfort.

feat. Saelle ▲ dialogue #ff0a5d ▲

Si fragile, si faible. Telle une magnifique rose qui fane, je vois Saëlle perdre ses belles couleurs et devenir terne. Elle n’est que l’ombre d’elle-même, un mal être qui la ronge, la dévore petit à petit. Perturbée, frêle, j’avais comme une envie de la prendre dans mes bras et de lui caresser les cheveux, qu’elle pleure sur mon épaule si elle en a besoin. J’ai ce sentiment de vouloir l’étreindre, sentir son cœur battre en son sein, que tout ce qu’elle a vécu finissent par s’envoler. Que le poids sur ses épaules disparaisse, cette pauvre âme mérite de se sentir libre. Dans un geste doux, j’effleure sa joue et la regarde avec tendresse. Elle paraissait si petite, comme une enfant qui fait ses premiers pas. Je désirais la soutenir du mieux possible, mais pour cela, il fallait qu’elle me parle, qu’elle prenne le temps de m’expliquer.


J’ai été impactée partiellement par cet attentat, jamais je n’aurai songée que Myrefall se fasse attaquer de plein fouet par une Velana. Le drame avait eu un effet déstabilisant sur la population, beaucoup de personnes sont encore choquées des événements. Les Myrefallois ont été régulièrement voir les églises et prier les Dieux et Déesses, afin de se sentir protéger. Ces derniers temps, le monde va mal et cela se ressent internationalement. Personne ne sait pourquoi Myrefall a été visé. Est-ce une déclaration de guerre ? Est-ce un sujet de politique ? Ou peut-être n’est-ce qu’une personne démente qui a souhaité le malheur aux autres ? En tout cas, dans l’enceinte de ma chapelle, je me sentais à l’aise et sûrement que Cabalhe ne nous laisserait pas tomber. Cet endroit est aussi sa demeure. La main se Saëlle se resserre sur la mienne, je ressentai cette chaleur de ce corps bien beau, bien jeune. .


Le calme était présent, nos voix résonnaient légèrement dans l'enceinte aux parois denses. Nous entendions les oiseaux chanter au loin, une légère brise passait par la porte d'entrée. Nous étions comme seules au monde, coupées du monde extérieur.

feat. Saelle ▲ dialogue #ff0a5d ▲

Je vois là une forte détresse et je dois admettre que la demande de Saëlle me surprend. Inconsciemment, j’avais cette peur de laisser de côté Cabalhe, bien qu’il puisse observer ce qu’il se passe. Je lui ai promis dans un murmure que je n’évoquerai pas le nom de mon Dieu et n’irait pas à l’encontre de ce qu’elle souhaite. Faisant le vide en moi, je ferme les yeux et me laisse submerger par ce qui m’entoure. J’entends ce qu’il se passe, je ressens ce qui m’entoure et ne me concentre pas uniquement sur ma croyance. Les maux sont présents et aujourd’hui, Saëlle avait besoin de moi, Opale, et non pas de mon statut de prêtresse.Je regarde la douce dame de fer avant de lui déclarer :

- Je ne pense pas qu’être dans un tel lieu vous apporte la paix. Ici, nous sommes dans un domaine où l’on est écouté. Il serait préférable que nous sortions prendre l’air. Vous aimez les jardins ? Il y en a non loin d’ici. Je vous y emmène.

Gardant ma main dans celle de Saëlle, je l’invite à se relever et repartir d’ici. Non, clairement ce n’était pas le moment de rester dans la chapelle, ou d’être dans un quelconque endroit de culte. Il fallait qu’elle se vide l’esprit, qu’elle respire à plein poumon de l’air frais. Qu’elle écoute les bruits qui nous entourent et surtout, le plus important, la joie de vivre. Je referme la grande porte de la bâtisse et nous prenons le pas en direction de la place du jardin public. Le bruit de nos pas résonnait sur les pavés jusqu’à ce que l’on emprunte un chemin bien plus emprunté par la population. On entendait des enfants qui jouaient, leurs parents regardant d’un œil ce qu’ils étaient en train de faire pendant qu’ils discutaient du beau temps. Je savais pertinemment que beaucoup d’entre eux étaient sous le choc cependant, ils continuaient de vivre et j’avais cette peur que Saëlle se laisse envahir par sa peur. Voilà pourquoi je désirais tellement l’emmener dans un endroit calme et coloré.

Nous avancions à notre rythme, regardant autour de nous tout en gardant le silence. Quelques personnes me reconnaissaient et me saluaient au passage, je leur rendis avec un de mes plus beaux sourires. Cinq minutes plus tard, nous voilà arrivés devant un mur de pierre avec un portail en fer, ouvert en grand. Quelques personnes se promenaient, certains cueillaient quelques fleurs. De jolis papillons virevoltent parmi le parterre coloré, l’odeur des fleurs et de l’herbe fraîche envahit nos narines. Ce n’était qu’un petit jardin, dans une ruelle pas très bondée non loin du centre-ville. Ces quelques jardins, éparpillés un peu partout à Myrefall, permettait d’avoir son petit havre de paix. Je détache ma main et me précipite pour retirer mes chaussures et tomber dans le parterre de fleurs. Jubilant comme une petite fille, regardant avec intérêt une coccinelle qui venait de s’envoler. Mon regard émeraude se posa dans ceux de la milicienne, mon ton enjoué finit par devenir plus terne.

- Allez Saëlle, venez et respirez un bon bol d’air ! Nous pourrions faire plus ample connaissance ! Saviez-vous que je suis originaire de Wingfield ? Si vous n’y avez jamais mis les pieds, peut-être qu’un jour je vous y emmènerai ! C’est un coin très charmant. Vous savez, je n’ai pas vraiment d’amis ici. Je ne vois que des âmes errantes. Je suis seule depuis très longtemps. Encore aujourd’hui, j’ai un but précis et j’en suis encore très loin. Très… très loin.