Chat perché !

La truffe en l’air  à humer les odeurs du port, je me promenais après ma tournée habituelle de maison. Un peu plus haut dans la rue, il y avait la vieille dame qui me donnait des restes de gras à chaque fois qu’elle me voyait et juste avant avant les quais, la maison du vieux borgne qui me papouillait, le temps d’une sieste digestive. Une vie que je prenais soin de ne pas révéler à Fey. Sait-on jamais ce qu’elle pourrait imaginer ! Ce n'est pas que je n’aimais pas mon amie. Loin de là même. Cela tenait surtout à mon besoin de vadrouille et de découverte solitaire….

Oh ! Une feuille ! Me voilà en train de courir après la feuille jusqu’à ce qu’elle succombe sous les griffes acérées et ayant complètement oublié les pensées que j’avais pu avoir avant. Lorsqu'une odeur de poisson grillé fut captée par ma truffe, je laissais ma victime pour remonter la piste de l’odeur alléchante. Je sautais sur le muret  non loin jusqu’à l’homme qui était assis dessus.

Je m’approchais lentement, tâtant le terrain. Puis finalement, je m’assis juste à côté de lui, remuant mollement ma queue noir. Les humains avaient deux réactions possible en m’apercevant: la première, avoir peur et me faire dégager d’un mouvement brusque et l’autre de me trouver adorable et vouloir passer leur mains dans mon pelage aussi noir que la nuit. Et, je voulais être sûr que celui qui tenait en main cette délicieuse brochette de poisson grillé n’allait pas me chasser. Lorsque mon regard d’or réussit à capter celui azur de l’homme, je prends mon air le plus adorable possible avant de pousser un petit miaulement plaintif.

*Regarde moi humain, je suis malheureuse et j’ai faim… Tu ne voudrais pas partager ? *

Je dressais mes oreilles pointues et penchais la tête sur le côté attendant une réaction de l’homme qui se stoppa enfin pour m’accorder toute son attention. Je passais ma langue sur mes babines tellement l’odeur me donnait envie de croquer la brochette. Mes yeux passèrent de lui à la brochette et de la brochette à lui avec une expression qui ne laissait aucun doute sur ce que je pouvais vouloir. Je me soulevais grâcieusement et me rapprochai un peu plus avant de poser une patte sur sa cuisse. Je ne fit rien d’autre que le fixer avec ce même air adorable.

*Alors tu me donnes un bout de ta nourriture humaine ?*

Ce nouveau miaulement se voulait charmeur puisqu’il ne pouvait pas comprendre ce que je m’évertuais à lui dire. Fey disait toujours que j’avais l’air trop adorable pour qu’on me refuse quoique se soit quand je faisais mon plus beau regard et j’espérais que mon compagnon serait sensible à ma tentative d’approche. Une seconde patte se pose sur sa cuisse sans que je ne pousse d’autres miaulements. Il ne fallait pas l’énerver cet humain là, sinon il ne partagerait pas cette nourriture qui sentait vraiment bon.

Je poussais un faible miaulement lorsqu’il faisait mention de non poids. Je n’étais certainement pas grosse et oui j’avais faim ! Et puisqu’il proposait de l’exercice, je n'allais certainement pas refuser. Je le redressais et plaçais directement mes deux pattes sur son épaule, lui lançant un coup d'œil rapide pour voir s’il n’allait pas finalement, me repousser.  Finalement, il ne semblait pas en avoir l’intention. Il passa même sa main sur mon pelage ce qui me distrayait un court instant de mon but premier. Je posais ma tête contre son cou pour l’y frotter quelques secondes dans un bruit de ronronnement sonore. J’étais suffisamment gourmande pour ne pas jouer les sauvages et les avares en câlins.

Je profitais donc  qu’il me caressait et qu’une partie de mon corps repose sur son bras pour doucement le faire faiblir. C’est juste avant qu’il ne se rende compte du manège que je bondis sur la brochette qui était bien moins haute. L’effet de surprise et ma souplesse eurent raison des manœuvres de l’humain qui n’eut pas le temps de m’empêcher de récupérer la brochette dans ma gueule. C’est donc d’une démarche victorieuse que je m’éloignais de quelques pas. Je déposais tranquillement mon arrière train et pris un temps pour l'observer attentivement. Ses grands yeux bleus et rieurs semblaient hésiter sur l’expression à avoir.

Devant son indécision, je dépose mon butin devant moi et commence à mâchonner les bouts dépassant bien de la brochette. C'était vraiment délicieux, mais clairement pas pratique ! Je devais la retourner dans tous les sens pour trouver un angle d’attaque pour mes dents et ma mâchoire toute petite. Je ralais en poussant quelques bruits entre le miaulement et le grognement tandis que ma queue s’agitait légèrement derrière moi.

*Y a vraiment que des humains pour inventer un truc aussi mal foutu…. Mais c’est quand même bon.*

Soudain j’arrêtais de mâcher pour reporter mon attention sur l’humain. Du coin  des yeux je l’avais vu bouger pour se rapprocher. Mes yeux dorés se posèrent sur lui avec interrogation. Allait-il vraiment tenter de me reprendre mon bien gagné ? Cette fois c’est moi qui me figeais pas sur de la réaction à avoir car après tout j’avais bien fait ce qu’il voulait, je pouvais donc manger non ?  Mes oreilles se dressèrent toute droite dans l’attente des prochaines actions.

Nos regards se croisèrent et ne se lâchèrent plus, comme deux adversaires s’apprêtant à combattre. C’était presque ça en fait car il ne s’imaginait certainement pas que j’avais très bien compris ce qu’il disait et donc ce qu’il s’apprêtait à faire. Oh oui, je le savais parfaitement.

Seulement, je n’avais aucune intention de lui laisser cette brochette que j’avais gagné et lorsque sa main agrippa la brochette, je compris que je n’aurais pas la force de l’en empêcher alors de manière instinctive je décidais de reprendre forme humaine pour lui attraper cette fameuse main qui me volait mon dû. Avec mes deux mains je le retins et grognais entre mes dents une  phrase de mécontentement

- C’est à moi, humain ! Ses mots étaient sortis difficilement par manque d’habitude. Ce n’était pas souvent que j’avais à parler

Finalement la folie était dans le fait d'être devenue femme dans son plus simple appareil au milieu de la foule. Fey m’avait pourtant vaguement prévenu que cela ne se faisait pas, mais je n’arrivais pas à me rappeler pourquoi. Assise sur le muret froid…. rectification ! Complètement gelé, bordel ! Mes long cheveux cascadant le long de mon corps servaient à cet instant à cacher le plus gros  de mon corps. Et, accessoirement, à me rendre complètement congelée. Je claquais des dents presque instantanément de manière instinctive sans pour autant avoir lâché la main de l’homme.

-Donnes, donnes ! Cette fois, ma voix était plus sûre et moins douce.

Je tirais de toutes mes forces pour récupérer mon bien sous le regard éberlué de mon adversaire. Je crus presque que ses yeux allaient lui sortir de la tête tellement il été surpris. Tel est pris qui croyait prendre ! Par contre, mon corps humain était bien moins habile que lorsque j’étais chat car dans la dispute, je glissais du muret pour tomber entraînant l’homme sur moi.

-Aie…

Je poussais un petit gémissement dépité et tombais sur le regard du voleur qui continuait à me regarder tel un merlan frit nos mains tenant toujours la dite brochette. C’est qu’il était tenace lui ! Je poussais un feulement bien moins impressionnant maintenant pour clairement montrer mon désaccord. je commençais à gigoter pour tenter de me soustraire du poids du voleur tout en lui donnant des noms d’oiseaux que j’avais entendu souvent sur le port sans vraiment me soucier du brusque silence autour de nous…