[CLOS] Quand la nuit apporte son lot de tromperie ft. Roxanne Aubépine

Me suis-je déjà demander comment je ferai, si sa Majesté de Greywish était en danger perpétuel ? Quel serait les gestes à adopter, les manières de faire pour la protéger ? Suis-je réellement capable de sauver cette femme au Destin si grand ? La réponse me semblait claire.


Je ne devais en aucun cas douter de mes capacités, pour cela, je devais continuer à progresser dans mes techniques. La vie au château m'a fait découvrir aussi ce qu'était le monde de la diplomatie, de la paperasse et de l'ennui. Cependant, je ne devais rien montrer de mon ressenti. La vie que j'avais mené depuis mon enfance était stricte et militaire. Aujourd'hui, je ne devais absolument pas perdre tout ces exercices physiques et intellectuels. Mon père n'aurait surement pas accepté un fils qui ne sait pas tenir ses engagements. Et il est vrai qu'auprès du Feu roi de Viermont, j'ai fait la promesse d'être auprès de sa fille et de lui apporter tout mon soutien et ma dévotion.

Nous sommes partis de Viermont par voie marine, avec une vingtaine de gardes et de marins. Nous avions apportés le minimum d'affaires, hormis pour son Altesse. Dans un coffre, j'avais emporté mon arme ainsi que mon armure. Notre frégate était fin prête avec de nombreux vivres pour plusieurs jours et de l'eau potable. Plusieurs cuisiniers étaient également de service sur le bateau, accompagnés des marins qui connaissaient ce navire par coeur. Le capitaine était un homme quinquagénaire, sa vie a toujours été en mer et il a assuré à sa Majesté et à moi-même que nous ne risquerions rien. Rares sont les fois où j'ai pu quitter le pays par voie marine. Hélas, j'ai pu découvrir les tracas des pieds marins. Le bateau tanguait par moment la nuit lorsque la mer était un peu plus déchainée. Le jour, alors qu'il y avait un beau soleil une fois éloignée de nos contrées enneigées, j'admirais la beauté du ciel et sentir la douce brise marine. Cette sensation n'était pas désagréable.

Cependant, lors de notre voyage, je songeais à ce qu'Anastasia avait décrit dans sa lettre. Une Velana aurait réussit seule à détruire une partie de la ville et à blesser plusieurs hommes. Les pouvoirs de cette créature humanoïde devaient être incommensurable. En regardant par dessus mon épaule, je voyais le sourire de sa Grâce. Elle n'était encore qu'une enfant qui rentrait bien trop vite dans un monde d'adulte. Néanmoins, Elise est une femme remarquable qui sait réfléchir et appréhender, qui sait se remettre en question et à aviser en temps et en heure.

Le temps défilait, heureusement nous n'étions pas seuls. Nous pouvions parlementer avec l'équipage ainsi que le capitaine, du nom de Solas. Elise et moi-même restions très souvent à ses côtés, nous racontant ses nombreux voyages et les dangers de la mer. Ce fut très instructif. Je fus même à me demander si j'aurai eu une chance dans une autre vie de devenir un capitaine de navire. On entendait le cri des mouettes, c'est à cet instant précis qu'un des marins, tout en haut du mât, hurla "TERRE EN VUE !". Préparant nos affaires, enfilant mon armure, nous ne tarderions pas à poser pied à Myrefall. J'avais hâte de revoir Anastasia afin de la questionner plus en détails sur ces évènements tragiques.


La journée fut longue mais, fructueuse. Je pus obtenir de nombreuses informations sur ce qu'il s'était passé durant la fête de Noasis. Leur Déesse n'a pas pu les sauver de cet affrontement. J'étais suspicieux quant aux intentions de cette Velana, encore introuvable. Tandis que nous avions voyagés au sein de Myrefall, des personnes regardaient sa Majesté avec méfiance. Depuis l'attaque, les étrangers semblent particulièrement mal vus, surtout s'il s'agit d'une autre race. Après tout, je comprends parfaitement leur désarroi et leur méfiance. Pourtant, dans la journée, un de mes gardes fut blessé, on nous lança des pierres et des jurons. Je ne me sentais plus du tout à l'aise ici. Même si la vie semblait plus prospère, plus verdoyante et radieuse, cette cité contenait là un vice omniprésent. On ressentait une forte tension dans tout Myrefall.

Plusieurs de mes gardes avaient du contenir une partie de la population pendant que nous visitions l'endroit où l'incident s'est produit. Je pus également dénicher une lettre de menace envoyée par un carreau d'argent. Nous avions dégainé nos armes mais, Anastasia calma le jeu avant que cela ne dégénère et préféra nous emmener directement voir le roi. Les temps étaient troublés. J'étais sur le qui-vive. Je lu la lettre rapidement avant de prendre le pas vers le château du roi. Ce n'était que des jurons et du racisme à l'état pur. J'en discutai auprès d'Anastasia, sans en parler à ma Reine. Surement une faute. Néanmoins, c'était pour la protéger et j'étais là ainsi que tout ses gardes.

La nuit tombée, je me vêtis d'un long manteau et d'un long capuchon de couleur brune. Je n'avais aucun bijoux, rien qui puisse penser que je fasse partie de la haute société. Le Roi ainsi qu'Anastasia semblait cacher des choses, je voulais vérifier certains points de vue avec quelques habitants. Je pris tout de même mon épée à mon ceinturon, caché par tout mon attirail et parti me faufiler loin du Château. Sortant de ma chambre, deux de mes gardes m'attendaient. Il savait que je sortirai ce soir, sans pour autant demander pourquoi. J'évitais autant que je le pouvais les gardes de Myrefall, prêtant attention aux différents couloirs et passages menant à l'entrée. On nous offrait l'hospitalité ici, si l'on me voyait partir dans cet accoutrement, j'éveillerai des soupçons et ma Reine me suivrait très certainement dans cette péripétie. Je savais que je n'étais pas un espion, ni encore moins un homme dans la fleur de l'âge prêt à en découdre et pourtant, je pressentais qu'il fallait que je m'en aille.

Je pus sortir par la cour du château, allant jusqu'à un endroit tranquille. Mes gardes m'attendraient ici. Cela paraissait plus crédible que de partir tel un vagabond et me faire attraper comme un voleur. Bien que je n'en sois pas un. Je descendais les ruelles, prenant plusieurs recoins afin de retrouver la frégate dans laquelle nous avions voyagés. La direction du port n'était plus très loin après plusieurs dizaines de minutes de marche. On entendait des chiens aboyés, quelques gardes faire des rondes avec leur torche, certains trainaient encore dans les rues. Le temps était clair, on y voyait la lune en forme de croissant. Le bruit des vagues était de plus en plus forte au fur et à mesure que j'avançais vers le port.

Une fois arrivé, le bruit de mes bottes contre le bois résonnait. J'écoutais le clapotis de l'eau contre la coque des bateaux. Je cherchais des yeux ma frégate et pus apercevoir Solas qui riait à gorge déployée près d'un mur, en face de son bateau, accompagné de deux autres hommes. Il ne me reconnut pas tout de suite jusqu'à ce que je vins vers lui et relevai ma capuche.

- Bonsoir Solas.
- Ah bah tiens, v'la qu'arrive not'e cher ...
- Pas ici, Solas. Je préfère que vous m'appeliez juste Alexandre.
- Ah ? Comme vous voulez. Qu'est-ce qu'vous v'nez faire là l'ami ?
- J'avais besoin de me changez les idées. J'aimerais changer un peu ma façon de voir les choses. Vous savez, quand vous m'avez racontés vos aventures, j'aurai bien voulu être des vôtres.
- Oh ! Et bien, v'nant d'vous ça m'fait drôl'ment plaisir ! Vous voulez v'nir boire une chope avec nous ?
- Avec plaisir Solas.

Il m'emmena avec ses deux compères vers un endroit en retrait, dans une rue mal éclairée par les torches et avec pour effigie, un bateau coupé en deux par des tentacules. Le nom de cet endroit était "Le Kraken". La porte était massive en bois, tout autour de nous il n'y avait que des murs avec quelques fenêtres d'où on pouvait observer un endroit festif. En entrant à l'intérieur, l'odeur de la bière et de la sueur était omniprésente. Mon odorat n'était pas habitué à un tel mélange. Mes yeux observèrent ce qui se déroulait, des marins jouaient aux dès, d'autres chantaient à tue-tête en frappant leur chope contre la table. Un endroit, remarquable. Je remis ma capuche aussitôt.

- Ah bah pour sûr, ça va vous changez d'vie ici, l'ami !
- Aucun problème. Allons nous installez.

Solas prit une petite table avec quatre tabourets non loin de la porte d'entrée, une serveuse vint nous voir et demandez ce que nous voulions. Solas répondit simplement "Am'nez quat'es belles chopines de bière !" et nous avons entamés une petite discussion. Il raconta tout d'abord des aventures marines avec ses deux compères et éclatait de rire dès que l'un de ses deux marins s'esclaffaient. Mes cheveux étaient légèrement ébouriffés, en queue de cheval sans paraître trop soigné.  

- Vous paraissez tendu Alexandre ! Allez, riez un bon coup ! Buvez !
- Ne vous en faites pas, dès que l'occasion se présentera, je serai d'aplomb pour vous racontez une blague.
- Ah ah ah, celle là, elle est bien drôle.
- Ce n'en était pas une, Solas...
- ... AHAHAHHAH

Les bruits de mes talons claquent rapidement sur le pavé se répercutant dans les rues de la ville, tout juste éclairées par quelques rayons de lune. Comment m’étais-je retrouvée dans une telle situation ? Pire, comment avais-je pu me faire avoir d’une manière aussi grossière, les dieux devaient avoir une dent contre moi. C’est pas possible autrement ! J’avais réussi à me débarrasser d’un concurrent un peu trop ambitieux. Mais j’en avais oublié ses partisans… Moi ou l’art de se mettre dans des situations de merde !

Je continuais à courir à en perdre haleine pour sauver ma carcasse que personne n’allait de toute manière regretter. Et dire qu’elle aurait dû être avec son équipage à cet instant pour fignoler leur dernière cargaison. Seulement, le client avait eu une demande un peu particulière au dernier moment et le plan avait quelque peu foiré… Et où était Moustique quand on avait besoin de lui ? Certainement sous les jupons d’une prostituée. Je lui arracherai moi-même la langue si je m’en sors !

Quoiqu’il en soit, je m’étais fait avoir comme un bleu en croisant la route de ce maudit marin qui avait reconnu mon double masculin et donc ses méfaits. Il avait de la mémoire et une rancune suffisamment tenace pour réussir à entraîner ses collègues dans ma traque. Tout ça parce qu’il avait perdu son boulot… Était-ce vraiment ma faute à moi, s’il ne savait pas faire les bons choix ?

C’est la brûlure qui m’élançait dans la jambe qui me ramena dans l’instant présent. Je suis blessée, bien sûr. Je revois le marin et son poignard fondre sur moi. Un grand gaillard, tellement courageux qu’il avait dû se pointer avec ses petits camarades à une sauterie improvisée. Bah, finalement, il ne m’avait pas complètement loupé. S’il avait été seul, il serait actuellement en train de flotter dans la baie… Fois de Roxanne ! Je stoppais le cours de mes pensées en apercevant les lumières du Kraken. Je connaissais bien les lieux, c’est là que je venais souvent me planquer pour passer d’homme à femme sans qu’on ne me pose des questions. Le lieu inspirait moyennement confiance. Mais si on payait bien le proprio, il fermait les yeux.

Je grimaçais, hésitant un instant tout en resserrant mon long manteau sur moi, cela cachait le sang de mon pantalon. Je n'avais pas une folle envie de finir sous la lame de mes poursuivants et un lieu rempli de monde les ferait hésiter. Bon et si ce n’était pas la foule, la gueule du propriétaire devrait suffire. Je jette mon chapeau et laisse pendre une longue tresse blanche avant d’entrer dans la salle et me faufiler discrètement… Enfin aussi, discrètement, que je le peux. C’est le moment que choisit une serveuse pour se mettre sur ma route… La collision fut inévitable et je fis ce que je faisais le mieux pour cette soirée : un enchaînement de catastrophes.

La serveuse renversa son plateau sur une table et je me retrouvais à terre, le nez directement sur les bottes bien cirées d’un inconnu. Je jurais dans toutes les langues que je connaissais tout en relevant douloureusement la tête pour voir l’étendue des dégâts… Je me fige un instant pour fixer le… Charmant inconnu. Je crois qu’on ne peut pas faire plus percutant comme rencontre, non ?

-Jolies bottes, messires !

Je lâchais une phrase complètement hors de propos trop surprise pour tenter une explication. Dans un reste de lucidité, je replie ma jambe pour cacher la blessure et je jette un coup d'œil inquiet à la porte qui s’est ouverte et refermée juste après ma chute. Je tentais de me relever, mais le tournis m’ayant lâchement attaqué, je me rattrapais à la jambe de l’homme en face de moi avec un sourire penaud. C’est bien ma veine, pourvu qu’il ne s’imagine pas des choses !

Le monde qui m'entourait était tellement différent de celui dans lequel je vis actuellement. Entre les révérences, les mots bien placés, les tenues de soie ou de velours, la royauté... Tout cela est balayé dans cette sobre taverne du Kraken avec des hommes qui beuglent à tout va, buvant et chantant tels des ivrognes et régurgitant tout sur le sol. Pathétique. Jamais je ne serai comme eux. Au vu de mon enfance et des personnes qui m'ont entourés, voir un tel spectacle me désole. J'admettais qu'il y avait de l'ambiance, cela dit. Solas me donna une tape amicale dans le dos en pouffant de rire. Mes yeux cernaient chaque personnages qui se tenaient autour de moi, alors que j'étais venu pour comprendre un peu ce qui rendait la ville si tendue.

- Pourquoi Myrefall est à cran ?
- Ah, vous aussi vous l'avez r'marqué ? Faut dire qu'le peuple l'aime pas trop ça de s'faire tailler en pièces.
- Vous avez assisté à ce carnage ?
- Non, pas personnellement, répondit Solas. Tout c'que j'peux dire, c'est qu'c'était un sacré bordel. Les gens font moins confiance. Comme si le monde avait basculé à c't'instant précis !

Il y eu des bruits de chopes renversant leur contenu, deux femmes venaient de se heurter non loin de nous. Je reçus quelques gouttes de bière sur le long manteau. A mes pieds, venait s'agripper un étrange personnage. Alors qu'elle se releva après avoir complimenter nos bottes, elle se mit à vaciller et retomba sur ma jambe.

- Et bah dis donc l'ami, vl'a qu'une beauté tombe maint'nant à vos pieds ! AHAHAH

Je regardais la femme et l'aida à se relever sans trop de difficulté. Du moins, c'est que je croyais. Elle semblait avoir un problème. Était-elle saoul ?  Sans réellement m'en inquiéter, je me relève et la laisse s'installer à ma place. Je prends un tabouret un peu plus loin. Solas, ses hommes et moi-même nous nous serrons un peu plus pour faire de la place. On entendait les railleries de quelques marins, la serveuse faisant mouche s'était retirée afin de nettoyer tout ce foutoir. Je ne m'attardais pas réellement sur la femme, après tout, j'étais venue enquêter. Solas était plus prévenant et demanda à la beauté si tout allait bien. Il lui offrit même sa chope de bière à moitié pleine. Jamais je n'aurai bu dans le verre d'un autre. Voilà bien des manières chez ces personnes. On aurait dit une autre culture, un autre mode de vie. J'étais à la fois sidéré et amusé, sans pour autant le montrer sur mon visage. Je continuai à questionner Solas et ses hommes.

- Connaissez-vous quelqu'un qui aurait participé à ce festival et qui a aperçut la Velanas ?
- Dis donc, z'êtes vach'ment curieux, Alexandre.
- Disons que cet évènement a fait parlé de lui jusqu'à Viermont. J'aimerais en apprendre plus.

L'odeur de sueur me prenait bien trop au nez, je me sentais serré et j'avais excessivement chaud dans un tel endroit. On manquait cruellement d'air. Je m'excusais auprès de Solas et m'extirpa de l'endroit, proclamant que j'irais prendre une bouffée d'air frais. Une fois à l'extérieur et après avoir fermé la porte, ce fut un moment de pure détente. Je respirai à plein poumon et regardait le ciel parsemé d'étoiles. Je me demandais si ma Reine était en train de discuter avec Anastasia ou si elle avait compris que j'avais décidé de sortir ce soir. Après tout, Elise me fait confiance. Je vis des hommes un peu plus loin qui semblait sacrément farouche, au vu de l'allure à laquelle ils couraient.

L’inconnu m’aida à me relever sous les blagues et rires de ses compagnons. En voilà un qui ne se vexait pas facilement, ce qui m'arrangeait plutôt bien à cet instant. D’ailleurs, il me laissa aussi sa place sur le siège avant de retourner à ses occupations premières. Je n’avais même pas besoin de m’excuser, sérieusement ? Je haussais un sourcil de surprise avant d’analyser la situation. Soit il m’avait pris pour une idiote, soit pour une fille complètement saoule. Dans les deux cas, c’était tant mieux !

Mon regard glissa rapidement sur l’homme : une tenue beaucoup trop propre, beaucoup trop parfaite pour qu’il soit matelot. La qualité de l'étoffe m'indiqua aussi qu’il n’était pas pauvre. Un noble venu s'encanailler ? Un espion en quête d’informations ? Plus ennuyant ça. J’allais devoir évacuer les lieux plus rapidement que prévu. Mais je préférais m’en assurer avant de céder à la panique. Son compagnon, étant plus prévenant, me demanda si tout allait bien. Avec mon sourire le plus charmeur, je jouais donc le jeu de la femme éméchée qui flirtait légèrement. On ne se méfiait donc pas de moi alors que les discussions reprenaient et que mes oreilles restaient aux aguets.

Je n'apprendrais pas grand chose de leur discussion si ce n’était qu’il s’intéressait aux dernières nouvelles des lieux. Mais j’acquis la certitude que l’inconnu n’était pas venu simplement pour boire. Aussi, lorsqu’il sortit, je saisis ma chance et m'éclipse discrètement pour monter au premier étage. Il était temps pour moi de filer et de retourner à mon bateau. Je rentrais dans la première chambre que je trouvais, puis je posais une chaise contre la porte avant d’aller ouvrir la fenêtre.

La fenêtre donnait sur l’entrée, en me penchant légèrement, je pus apercevoir la silhouette de l’étranger que j’avais rencontré un peu plus tôt. Tout en observant la rue, j’en profitais pour panser ma blessure a l’aide de la manche de ma chemise… Une si belle chemise ! C’était un vrai gâchis. Soudain, mon regard se figea sur les ombres s’approchant. Le répit avait été de courte durée. Je les entendais parler alors qu’ils s’approchaient de la taverne.

-Il est forcément entré ici. Méfiez-vous, ce type est un démon, il a l’art de disparaître… Franchement, c'est le mal incarné, je serais pas étonné d’apprendre qu’il est mêlé aux derniers événements… Nous deux, on prend l’entrée, vous l’arrière et retrouvez moi ce blondinet de Roc !

Bon ! Au moins ils n’avaient pas encore compris que leur gibier n’était pas un homme, mais une femme. Je souris en les entendant entrer, c’était le signal que j’attendais. Je me glissais par la fenêtre discrètement et escaladais la façade pour monter sur le toit. Avec une blessure à la jambe, ce ne fut pas aisé et je ripais les pieds sur un endroit instable. Quelque chose chuta jusqu'au pavé.

-Et foutre dieux ! Murmurais-je alors que j’atteignais enfin le toit.

Je ne pris pas le temps de m’assurer que l’inconnu n’était plus devant l’entrée et prit mon élan pour passer du toit de la taverne au bâtiment en face. J’atterris lourdement avec une grimace de douleur et pris un instant pour regarder en contrebas la forme de l’homme… Je fis une légère révérence amusée et m’élançais pour passer au prochain bâtiment… J’étais sauvée !

Ces types étaient vraiment pressés. Je sentais quelque chose de louche, ils dégageaient une aura mauvaise. Je restai à l'écart alors qu'ils s'avançaient jusqu'à l'intérieur du "Kraken". Quelques instants plus tard, j'entendais un bruit sourd, quelque chose venait de glisser du toit. Et puis, je vis une ombre se mouvoir jusqu'à un autre bâtiment, sans très bien voir dans la nuit, je vis juste quelqu'un faire une révérence et s'en aller aussitôt. Mon corps me disait d'aller voir et observer, mon esprit lui m'indiquait tout le contraire. Je ne souhaite aucun ennui, sachant que je ne suis pas originaire de Myrefall. Pourtant, c'est mon corps que j'écoutais et m'élançait à la poursuite de cet inconnu. Je songeai à Solas qui devait picoler à l'intérieur, entouré de ses sbires. Personnellement, cet endroit me fatiguait. Au final, rien ne vaut un coin bien calme pour se détendre.

La nuit était belle, fraîche, j'avais un drôle de sentiment qui émanait au fond de moi. Vivant. C'était le mot. J'avais cette étrange sensation comme lorsque j'étais plus jeune avec mon père, en train de faire le tour de la demeure au pas de course, à développer mon physique. Aujourd'hui, je ressentais que je n'étais plus aussi jeune et que je manquais d'exercices. Depuis que je suis au service de la Reine, je n'ai d'autres choix que de veiller sur elle comme je l'ai promis. Le bruit de pas provenant d'au dessus de ma tête me fit rebasculer dans le présent, arrêtant net mes pensées. C'est alors que j'empruntai un chemin menant vers la rue principale, je pouvais voir des gardes tenir leur flambeau et faire leur ronde de nuit. Je crois bien que je ne verrai plus la personne au dessus des bâtiments. Que faisait-elle ?

Rabattant ma capuche sur la tête, j'allais en direction de l'endroit où avait eu lieu la fête de Noasis. Certes, je ne verrai pas grand chose mais, peut-être pouvais-je envisager de fouiller les lieux. Techniquement, il m'aurait fallu une autorisation spéciale d'Anastasia ou du roi. Me salir les mains n'est pas un problème, je ne suis pas non plus un de ces aristocrates qui ne lèvent même pas le petit doigt. J'esquivai au mieux les différentes allées où je pouvais apercevoir des flammes vaciller au beau milieu de la nuit. Myrefall était si grand ! Je crois bien que je me sentais perdu. Je ne reconnaissais pas du tout le coin. Ma quête de départ semblait bien vaine. Quel échec. Moi qui détestait échouer. Je commençais à râler dans ma barbe. Je crois que je n'étais pas fait pour être un espion. Quelle idée.

Tandis que je reprenais le chemin du château, deux bougres m'attendaient dans un coin de rue bien excentrée. De vulgaires bandits de grands chemins, armés de petits couteaux. Néanmoins, on m'a toujours apprit à ne jamais sous estimer son adversaire, peut importe comment il est vêtu ou quelle type d'arme il puisse posséder. Je me mis en garde avant même qu'ils n'osent dire un mot. Tout ce que je fis, c'est poser une main sur la garde de mon épée et d'attendre un geste de leur part.

- Méfiez-vous de qui vous avez en face.
- Eh quoi ! J'crois que tu rends pas compte dans quoi t'es fourré, papy.
- On va le dépecer et récupérer tout son or !

Je passais de toit en toit avec la souplesse et l’agilité d’un félin malgré ma blessure. Ce ne fut qu’une fois suffisamment loin que je me laissais glisser jusqu’à une ruelle sombre. J'ai pris le temps de reprendre mon souffle et observer les alentours. Quelle ne fut pas ma surprise en apercevant une silhouette familière traverser la route centrale. N'était-ce pas l’aristocrate aux jolies bottes ? M’avait-il suivi ? Non, c'est impossible. Je me tapis de nouveau dans l’ombre aussi discrètement que possible pour l’observer. N’avait-il pas l’air un peu perdu notre aristocrate étranger ? Un léger sourire étira mes lèvres alors que je décidais de le suivre sans me faire remarquer.

Au bout de quelque temps, j’en vins à la conclusion qu’effectivement, notre homme s’était bien perdu. Malheureusement pour notre espion, il ne lui fallut pas longtemps pour faire une mauvaise rencontre. Cela aurait pu m’amuser si seulement, je ne découvrais pas par la même occasion une bande rivale envahir mon quartier pour détrousser l’homme. Une moue mécontente s’afficha sur mon visage. Ce n'était vraiment pas une soirée tranquille pour moi. Je ne pouvais pas laisser passer, sinon, ils viendraient grignoter mon territoire chaque soir jusqu’à ce qu’il ne me reste rien… J’observais le groupe se mettre en position. Bien, il me fallait intervenir avant que le combat ne commence.

Sans plus attendre, je sors de l'ombre avec un petit raclement de gorge attirant l’attention de toutes les personnes. Je repoussais ma chevelure blanche sous les rayons de la lune en arrière et affichais un sourire charmeur. D’un pas fluide et aérien, je me dirigeais vers l’étranger à la manière d’une amante retrouvant son partenaire. Je pense que la couleur de mes cheveux avait déjà alerté les bandits sur mon identité. Seul l’inconnu devait se poser des questions et c’est tant mieux. Lorsque je fus assez proche de lui, je vins lui murmurer.

-vous vous rendez compte dans quel bourbier, vous venez de vous mettre, n’est ce pas ?

D’un mouvement sensuel, je vins presque me coller à lui et… Lui subtiliser sa bourse. Je m’éloignais rapidement de lui pour ne plus m’intéresser à lui, mais aux hommes.

-Vous ne devriez pas être là…

Un immense sourire moqueur fleurit sur mon visage alors que les hommes faisaient un pas en avant.

-Alors… Ne vous dérangez pas pour moi… Je prends le gagnant du combat.

Je fis quelques pas rapides en arrière pour rester hors de portée des hommes et de l’étranger. Tranquillement, je vérifiais dans mes poches que j’avais toujours mes aiguilles. Ils pouvaient soit se mettre tous contre moi, soit m’attaquer désordonné en s'attaquant l’un l’autre. Quelle que soit leur option, je me tenais prête à punir les brigands… Et détrousser l’inconnu. Je lui jetais un regard clairement amusé et lui fis un clin d'œil provocateur.

Dans cette sombre ruelle où deux hommes se tenaient face à moi prêt à en découdre, une forme sortit d’un endroit sombre pour se retrouver sous le clair de lune. Ses cheveux argentés virevoltant derrière son dos, la personne s’approcha de moi et vint me susurrer quelques mots avant de me dérober ma bourse remplie d’or. Ce qui intéressait les hommes étaient tout simplement mon gain et malheureusement pour eux, comme pour moi, cette femme venait de nous le dérober. Jamais je ne me rallierai à ce genre d’individu pour récupérer mon dû, c’était même tout le contraire. Je préférai m’occuper de mes assaillants, sachant que la femme  attendrait un finaliste pour la prendre en duel. Je haussai les épaules, en vrai, l’argent et moi, ce n’est pas réellement un problème. J’avais envie de jouer.

Ni une ni deux, je pris les devants en empoignant ma lame et fit un bond en avant afin d’annoncer le rythme du combat. J’aimais avoir le premier pas et mener la danse comme bon me semble. Un de mes adversaires contra ma lame tandis que le deuxième à ma droite, leva son arme en laissant une faille. Ce n’est qu’une question de secondes mais, le simple fait d’être mal positionné ou de tenir son arme maladroitement face à un guerrier aguerri risque de lui coûter bien cher. Leur posture était déroutante, ce ne serait qu’une question de quelques minutes avant que tout ceci ne soit terminé pour eux. Je repousse mon premier adversaire et fait une esquive sur la gauche.

Je libère mes mouvements en ouvrant ma redingote et laissant apparaître une chemise blanche avec par-dessus un gilet court, assez commun. Mon apparât pourrait faire penser à celui d’un cavalier. Je tenais mon arme devant moi, les deux mains sur la garde de mon épée. Je les attendais.

- Bah alors papy, on se défile ?
- Ouais, il n'a pas envie de se mouiller !
- On va lui botter l’cul et ensuite on récupère notre or.
- Ouais ! On va leur montrer !

Les deux abrutis s'avancèrent en courant, sans comprendre que tenir une épée de cette façon alors qu’ils sont en train de courir ne les mènerait nulle part. Lorsqu'un homme veut exécuter convenablement une technique, que ce soit pour le jeu ou pour combattre sérieusement, il doit la rendre étrange et déconcertante aux yeux de son ennemi, afin que celui-ci ne se rende pas compte de ce qu'il a réellement l'intention d'effectuer. Quand un homme marche ou court à son adversaire, dès lors qu'il estime pouvoir l'atteindre avec un pas ou avec un saut, alors il doit le frapper là-dedans où il voit une ouverture, avec joie, à la tête ou au corps, courageusement et sans peur, là où il peut l'atteindre avec le plus de certitude. C’est ce que je fis. Néanmoins, je ne souhaitais pas les tuer. L’un des deux mécréants se retrouva avec mon épée sous la gorge, son ami semblait désemparé, ne sachant quoi faire il préféra jeter son épée au sol.

- Mais qu’est-ce que tu fous crétin ?
- J..Je...J’veux pas mourir ici.
- Du vent. Avant que je n’appelle la garde. Et laissez vos armes.

Son pote commença à courir tandis que celui qui se tenait face à moi, jeta son épée au sol et commença à reculer doucement, fixant la dame et moi-même, avant de se jeter à corps perdu dans une ruelle. Laissant un petit soupir, je me retournais devant la femme, mon épée tenue devant moi. D’un ton solennel, les sourcils froncés, je me prépare à toute éventualité. Ne jamais sous-estimer son ennemi, je ne cesserai de me le répéter à moi-même. Alors qu’elle se tenait dans un coin où je pouvais admirer son visage, je pus remarquer qu’il s’agissait de la femme qui s’était retrouver au Kraken. Légèrement surpris, la mettant en joug, je lui demande :



- Qui êtes-vous ?

Je m’installais tranquillement adossé contre l’une des bâtisses pour observer le combat. Non par plaisir, bien que je ne fusse pas indifférente à la scène qui se jouait devant mes yeux. Mais surtout pour analyser chacun des mouvements de l’homme. On ne lançait pas ce genre de défis à la légère et sans au minimum apprendre sur son adversaire. Je sortis une pièce que je fis passer entre mes doigts avec dextérité, le temps qu’ils se décidaient de la suite à donner.

Je ne fus pas surprise par la tournure que prenaient les événements. Deux idiots face à un véritable adversaire. Bien sûr, ne firent pas long feu devant le preux chevalier qui préférait son honneur à une victoire assurée. Quant à moi, je ne serais pas un pleutre qui fuit aussi facilement parce qu’on brandit une épée sous mon nez. Un large sourire moqueur éclairait mon visage, lorsque l’étranger se mit en garde. J’avais fait fuir mes rivaux et j’aurais pu en rester là… Mais je n’étais pas d’humeur à laisser passer un tel amusement. Je déposais la bourse à même le pavé sans quitter du regard mon nouvel adversaire. Il était plus que probable que la lune éclairait mon visage et ne cachait point mon amusement lorsque je me redressais.

À sa question, je haussais les épaules avec désinvolture. Est-ce que me présenter avait une quelconque importance ? J’écartais les bras en un geste, tout autant provocateur d’innocent. Ce que je n’étais pas bien sûr.

- Et vous ? Qui êtes-vous ? Soignez un homme galant, dites-moi à qui je retire ses biens ?

Je me mordis la lèvre inférieure pour tenter de réprimer un rire amusé et fis quelques pas en avant, ne laissant pas l’homme se mettre proche de la bourse déposée. Je cherchais très clairement à le provoquer alors que d’un mouvement rapide du pied, je fis se redresser l’épée laissée là par un des assaillants. Je m’en saisis par la garde et fis une révérence masculine de manière très théâtrale avant de le mettre en garde. Et comme, la provocation était très clairement ce que je faisais de mieux, de mon autre main, je glissais la pièce que j’avais sorti dans la poche de ma longue veste avec une lenteur délibérée. Puis je repris l’air de rien.

-Comme vous êtes un personnage intéressant, appelez moi Lady… Pour les petits noms, on attendra un peu…

Cette fois, je ne retenais pas mon éclat de rire. J’avais mes aiguilles dans la manche de ma veste, une épée en main… Que le combat commence. Rapidement comme l’éclair, je portais le premier coup. Le but n’était pas de lui faire mal, mais bien de jauger ses réflexes afin d'enchaîner rapidement plusieurs autres coups un peu plus fort à la recherche d'ouvertures éventuelles.

Cette femme se présenta sous le nom de "Lady". Comme si elle venait de la haute société avec un tel accoutrement. Son visage était ravissant bien qu'elle soit si désinvolte envers moi. Je n'avais pas envie d'être nargué par une voleuse. Aussi jolie soit-elle. Je tenais ma garde fermement, prêt à en découdre. Son petit rictus, ses petites manies, pour elle aussi ça se voyait que ce n'était qu'un jeu. Elle dégageait une étrange aura, pas foncièrement mauvaise mais pas non plus bienveillante. Je rencontrais très souvent des gens venus de toutes parts, de tout horizons. Néanmoins, celle-ci avait quelque chose d'étrangement particulier. Ce n'était pas du à sa façon de s'habiller ou de se coiffer, c'était tout simplement son être tout entier.

Je restais prudent. Cela fait bien quelques années que je ne me suis pas battue réellement contre quelqu'un et il est vrai que ma maîtrise à l'épée s'est amenuit. J'eus un petit rictus en coin et allait exécuter sa demande lorsqu'elle fit le premier pas à mon égard. Un bruit sourd suivi de quelques étincelles, nos armes venaient de s'entrechoquer violemment. Finalement, elle n'était peut-être pas là pour rigoler. Mon sérieux revint vite et alors que je la repoussais en arrière, je luis tins ces mots :

- Et bien, vous êtes une drôle de dame. Je me nomme Alexandre de Vanguard. Seulement pour vous ... ce sera "Sir".

Je plie légèrement mon genoux gauche et tient mon épée, la garde tournée vers la droite, la lame en arrière au dessus de mon épaule. Je me mis en mouvement, faisant quelques pas vers elle. On entendait le vent siffler entre les couloirs des ruelles, au dessus de nous le ciel était parsemé d'étoiles. La constellation se dévoilait, nous laissant entrevoir quelques fois nos visages. Je me délectai de ces instants rempli d'une passion pour un duel. J'avais très envie de montrer tout mon savoir-faire, la renverser au sol et lui mettre la lame sous la gorge. Depuis de très nombreuses années à servir aux côtés de mon père et du roi, je n'avais jamais pu profiter pleinement de trouver un jour mon némésis. Les nombreux duels que j'ai pu effectuer jusqu'à présent, ne m'ont jamais mener jusqu'à trouver une personnalité capable de rester debout sous mes coups d'épée. J'eus un sourire. Ce qui était tellement rare. Je pus déceler dans le regard de mon adversaire, cette même intensité.

- Je vois que vous aussi, cela vous dévore. Vous n'imaginez pas, ô combien je savoure ces instants... Avant de vous mettre à terre.

Un peu plus loin, on entendait des chiens aboyer, déchirant le calme de la ville. Dans un râle, je vins vers elle prête à lui asséner un violent coup sur la jambe droite. Je crus apercevoir une faille dans sa garde et voulu en profiter. Face à moi, cette donzelle ne tiendrait pas. Rares sont les femmes qui équivalent les hommes au combat. Je ressentais une sensation dans mon cœur, mon regard était vif et perçant et j'étais excité à l'idée de mener ce combat ! La rage de vaincre. Si Élise me voyait, elle ne me reconnaitrait pas. Le Alexandre si calme et diplomate était en train de sourire, un éclat trompeur dans le regard comme de la perfidie. Cela sonnait comme un "Viens à moi, je t'attends !"

Le bruit du métal qui s’entrechoque avait quelque chose de grisant, comme un goût de liberté. Le sérieux de son regard et ses propos avaient une saveur bien particulière et je lâchais un rire clairement amusé. Sir ? Il faudrait qu’il m'enfonce sa lame dans le cœur, et même la, je n’étais pas sûr qu’il obtiendrait ce qu’il désire. Je n’avais pas lutté si durement pour me faire une place dans ce monde pour laisser un nobliau prendre le dessus. L’échange de coups se fit plus intense, car aucun de nous deux ne voulait abandonner un pas en avant, un pas en arrière et une nouvelle parade alors que je susurrais d’une voix mielleuse.

-Alexandre ? C’est tellement moins impersonnel que Sir… Et vous n’avez pas dû rencontrer beaucoup de femmes mon cher. Des dames certainement, mais pas des femmes...

Je lui fis un sourire à mi-chemin entre la séduction et le défi. Un sourire qui disait très clairement qu’il lui faudrait me contraindre par la force à lui donner ce titre alors qu’elle lui a elle-même donné un titre plutôt que son nom. Mais cela n’avait aucune importance parce que seul compte pour moi l’instant présent et la passion qui m’anime. Cela faisait un moment que je n’avais pas ressenti cette boule au creux du ventre et l’instinct de survie à fleur de peau. Un ennemi avec qui je n’avais pas besoin de retenir mes coups et surtout aucun besoin d’être loyal…

Ses autres propos me tirèrent un haussement de sourcil, toujours amusé. Qu’il était présomptueux l’étranger ! Ce que je n’avais pas en force brute, je savais le compenser pas l’agilité et la ruse. Il était bien trop sûr de lui. Il en serait pour ses frais.

Et pourtant, dans ses mots, j’y vois des sous-entendus qui ne lui ont certainement pas traversé l’esprit, s’en était que plus drôle. Je me mordis la lèvre inférieure sans cacher les émotions qui me parcouraient.

-Il y a bien des choses qui me dévorent Alexandre mais vous êtes loin de la vérité. Moi à terre ? jamais le premier soir… Mon ami.

D’accord, je le provoquais vraiment, mais ce genre de propos avait aussi pour but de déstabiliser l’ennemi. Il faut dire que les mâles avaient tellement l’habitude des femmes rougissantes au moindre propos un peu osés… Dans la bouche d’une femme… Je ris une nouvelle fois alors que ma main libre récupère une aiguille. Il était hors de question de perdre le combat. Tricheuse ? Oui, complètement. C’est pour cela que je m’approchais à sa provocation sans crainte. Il fallait simplement le laisser croire qu’il pouvait frapper et au bon moment lui planter une arme bien plus petite et efficace que sa lame.

Cette dame avait du répondant, elle titillait ma curiosité tout en cherchant à me provoquer. J'avais bien deux trois vilains mots qui me venaient en tête mais, je ne la laisserai pas m'avoir pour si peu. Nous sommes dans un monde où la magie est tout autour de nous. Malheureusement pour moi, je n'ai aucun talent magique et je commençais à me dire que, mon adversaire tentait d'amenuir mes forces avant de me lancer une boules de feu ou tout autres sortilèges. J'aimais l'art du combat au corps à corps, le cœur battant, la sueur qui perle, la gestuelle... Pour moi, tout ceci était telle une magnifique dance où nous étions seuls spectateurs. Lady ne me laisserait pas la vaincre aussi facilement que je voulais le croire.

Je haletais légèrement, mon corps n'était vraiment plus aussi vaillant qu'avant. Je m'en voulais de ne pas avoir rencontré cette femme dix ans auparavant et lui montrer un meilleur spectacle. Cependant, dans un élan, je m'élance vers elle avec un cri de rage, prêt à en découdre. Des bruits de pas précipités vinrent interrompre notre combat, des lumières approchaient de notre position. On entendait la voix de plusieurs gardes qui dégainaient leurs armes, pensant surement que nous sommes des bandits. Il ne fallait pas que l'on m'attrape et je voulais terminer ce duel.

- J'ai entendu un cri par là !
- Encore ces mécréants. Faites comme je vous ai dit, ils ne s'échapperont pas.

Fronçant les sourcils, je m'arrête dans mon élan et range mon épée. Je récupère rapidement mon manteau, rabattant ma capuche et incite mon adversaire à me suivre. Nous ne pouvions pas rester là, surtout si le conseiller de la reine de Viermont se fait attraper de cette façon. J'avais tout fait pour la discrétion en sortant du château, ce n'était pas pour rentrer bredouille. Mon seul problème est que je n'avais aucune idée du chemin qu'il fallait emprunter afin de semer ces gardes qui n'étaient pas conviés à notre exercice d'escrime.

- Lady, je ne sais pas si vous souhaitez rester ici ou si vous préférez vous échapper. Mon choix est fait.

Je m'élance dans une rue étroite où la pénombre est encore plus dense. Un bref mouvement de manteau, je cours loin devant moi, ne sachant pas si c'est le bon endroit. Je n'ai pas le temps de regarder en arrière, à savoir si elle me suit ou si elle s'est échappée. Pour une fois que je m'amusais, il fallait que ça se passe à cet instant. En même temps, nous n'étions pas très discret. J'entends des chiens aboyés, ils ont du flairer notre odeur. Jetant un bref coup d'œil en arrière, je me rends compte qu'ils sont un mes trousses. Je pousse un soupir de frustration et commence à empruntant un chemin sur la droite. J'étais perdu.

Un pas en avant, un pas en arrière, le bruit du métal et les étincelles. C’est une danse que je connais sur le bout des doigts et qui ne peut être accompagnée que par un partenaire possédant les mêmes aptitudes. Tel qu'un chat face à une souris, ce n'était pas la mise à mort qui me motivait. Non, c’est tout le jeu avant la mise à mort qui faisait vibrer mon âme… Que je fusse gagnante ou perdante dans ce duel cela n’était plus ce qui m’importait. Du moins jusqu’à ce que les pas de la garde de firent entendre dans la ruelle, je lâchais un grognement de dépit alors même que mon adversaire s'interrompait.

Il n’eut pas besoin de me poser la question que j'avais déjà abandonnée le combat pour récupérer la bourse gisant au sol pour l'accrocher à ma ceinture. Je ne laissais pas ce butin aux mains de la garde, ni aux mains de l’homme. C’était le gage que nous croiserions une nouvelle fois le fer. Ensuite, avec agilité, je disparus de la vue de l’homme et de la garde en me cachant dans les ombres. Je n’eus aucun mal à voir Alexandre prendre la fuite en s’enfonçant dans les mauvais quartiers. Je grimaçais, puis m'élançais moi aussi.

Cet idiot allait au-devant de nouveaux ennuis sans le savoir, il fallait absolument que je l’arrête avant qu’il ne tombe sur une nouvelle bande, ou pire l’un de mes hommes… Les nobles cela se revendait plutôt bien au marché noir. Heureusement pour moi, je connaissais ces quartiers comme ma poche et il ne me sèmerait pas. Une nouvelle course s’engagea dans le dédale des bas quartiers. J’escaladais une nouvelle fois une façade pour rejoindre les toits et retrouver un peu plus rapidement la petite souris. Je sautais juste au-dessus de sa tête et me laissais glisser jusqu’au pavé. Je ne lui laissais pas le temps de réagir et l'attrapai par le col pour le pousser sans ménagement par une porte posant ma main libre sur sa bouche.

-Ne bougez plus !

Cet ordre est murmuré à son oreille sans plus d'explication, mais il peut entendre des bruits de pas qui ne sont pas ceux de la garde. Finalement, je ne m’éloignais de lui qu’une fois le danger passé et surtout me rendant compte que je l’avais limite plaqué contre le mur… Plutôt que d'avoir l’air troublé, je lui offre un sourire provocateur.

-Et bien s’était moins une petite souris… Encore un peu et tu faisais partie de la cargaison… Tu veux que je t’aide à sortir de là ?

Oh, bien sûr, rien n’était gratuit avec moi… Ou presque jamais rien.

Alors que je m'éloignais dans des endroits bien trop sombres où j'étais limite aveugle dans cette obscurité, une main m'agrippa par le col puis une autre vint se plaquer contre ma bouche. Je reconnus l'inconnue sans trop de mal. La "Lady" s'était affairée à me tracer et me sauver d'un bien mauvais pas. Je ne saurai dire si j'étais agréablement surpris ou si je me sentais stupide. J'aurai aimé lui dire merci mais, j'étais bien trop fier à l'idée qu'une femme me porte secours tout simplement car je ne connaissais pas le coin. Je n'étais pourtant pas stupide ! Pourtant, le danger rôde et je compris que Myrefall n'était pas si paisible qu'on pouvait nous le laisser faire croire. Je devrai m'entretenir avec Anastasia sur ces méfaits nocturnes. Lorsqu'elle m'expliqua que je pouvais faire partie de la cargaison, j'eus un froncement de sourcils avant de rétorquer d'un ton haineux :

- Vous voulez dire que vous faites partie de ces bandits ? Une cargaison ? Ils font du trafic d'êtres humains ? Comment le savez-vous ?

Je m'extirpais avec violence de l'endroit où elle m'avait plaqué, la regardant dans les yeux avec méfiance et dégoût. Comment pouvait-on tomber aussi bas ? j'eus une descente émotionnelle fulgurante, là où je pensais avoir trouver une adversaire remarquable, je compris qu'elle venait d'un milieu encore plus malsain que simple bandit. Je regardais ma bourse qui était accrochée à son ceinturon alors qu'elle venait tout juste de me demander si je voulais de l'aide pour sortir de cet endroit. D'un ton froid et désinvolte je lui déclare :

- Gardez mon or. Je ne toucherai pas à de l'argent sali. J'avais cru que vous seriez ... différente.

Je repartis en arrière avant de lui lâcher un "Je suis déçu" par dessus mon épaule et m'extirpa de l'ombre de la ruelle, laissant la belle derrière moi. Il pouvait lui arriver n'importe quoi que je n'en avais plus rien à faire. Mon sentiment d'admiration au combat venait de disparaître. Peut-être me faisais-je un film quand à cette dame, j'étais un peu perdu. Je n'avais jamais éprouvé une telle force, un tel pouvoir attirant. Son jeu de lames m'avait fait chaviré et pourtant, jamais je n'aurai songé qu'une telle adversité viendrait d'une femme travaillant dans ce milieu sordide, bien sale. D'un côté, comme elle, j'avais eu du sang sur les mains. Qui n'en a pas à part les honnêtes gens qui tentent de survivre dans leur petite maison ?

Dans la haute société et également militairement, il faut savoir faire des sacrifices, mentir, trahir. Était-on si différent ? Je veillais pour le bien de tous bien que je ne sois pas chevalier. Il faut dire que ce qui importe le plus dans ma vie à l'heure actuelle n'est autre qu'Élise. Cette affaire était entre elle et moi. Je ne souhaitai pourtant pas que quelqu'un d'autre mette la main sur cette dame. Elle devenait ma cible. Je la mettrai derrière les barreaux pour ses méfaits. Ce soir, j'avais voulu en savoir plus sur ce qu'il s'était passé avec la Velanas et je me retrouve à errer dans les bas quartiers, à me faire voler mon or et à ne rien apprendre. Décidemment, ce n'était pas ma journée.

Soudain, j'eus un déclic. Et si je revenais au "Kraken" en espérant trouver les deux hommes qui la recherchent ? Peut-être me donneront ils des informations ? J'allais investiguer sur cette drôle de dame vu qu'elle ne souhaitait rien dire d'elle. Un petit sourire en coin s'afficha, j'avais très envie d'en découdre et en connaître plus sur mon adversaire. Si ça se trouve, elle n'en avait rien à faire de moi. Seulement ma bourse qui l'intéressait. Et pourtant, elle m'a évité ce soir de tomber sur des esclavagistes, du moins c'est ce que je pensais. Pourquoi je m'obsède autant pour cette femme ?

Mon cœur avait manqué un battement par la brusque promiscuité que nous avions partagé. Mais cela fut balayé par la réaction d’Alexandre. Je ne put faire qu’un pas en arrière, le fixant avec une surprise non feinte. Premièrement, comment pouvait-il ne pas avoir compris avant ? Je ne me suis jamais présentée en tant que sauveuse ! Secondement pour qui se prenait-il pour oser me juger ? La colère prit le pas sur tout le reste et lorsqu’il osa parler à nouveau, je lui crachais ma pauvre rancœur sans mâcher mes mots.

-C’est bien les manières d’un nobliau que nous avons là…. On est pas tous né dans l’opulence, petite souris…

A sa colère et sa haine, je ne lui rendis que mépris et provocation. Chaque mot qu’il prononçait étaient tel un milliers de coups de couteau. Un autre fils à papa qui n’avait jamais connu la misère et qui ne savait pas ce que c'était d’être privé de tout… Jusqu’à sa liberté. S’il était déçu, alors on était deux, parce qu’il n’avait rien d’un preux chevalier. En même temps, je n’avais pas besoin qu’on me sauve, je m’en étais chargé moi-même.

Finalement je laissais éclater un rire méchant alors qu’il faisait mention de la bourse. Je la retirais de ma ceinture et lui envoyais directement en pleine tête. Je voulais qu’il est mal… Ce n’était qu’une ridicule douleur comparé à ce que je pouvais ressentir. Pourtant, elle me procurait un petit sentiment de victoire.

-Gardez donc votre bourse, sans votre argent vous n’êtes rien ni personne, petite souris. Tout juste bon à vous faire bouffer par la faune locale… Je vous souhaite bien du plaisir pour retrouver votre chemin jusqu’à votre petit logis plein de confort.

Je le plantais sur place lui et la bourse qu’il avait reçu avec violence, repassant par les toits en deux trois acrobaties fluides. Mon bateau n’était pas loin je rentrerais rapidement maintenant. Sur le chemin, je ruminais les propos de l’homme avec un mélange d'émotions que je n’arrivais pas à définir précisément. Serais-je devenu une bonne personne si j’avais eu le privilège de naître dans une maison riche et aimante ? Je poussais un soupire agacé et passais au toits suivant avant de me stopper les sens en alerte...

Le fait de recevoir ma bourse en pleine poire me fit prendre conscience que j'avais du vexer la dame. Le point positif dans cette affaire était que cette fichue bourse avait bourlingué jusqu'à retourner à son propriétaire. Cet or pourrait me servir à acheter des informations que ce soit sur ma mission principale, à savoir qui était cette Velanas, ou sur cette étrange demoiselle. Elle me cracha son venin, pestant que je n'étais qu'un bourge né une cuillère à la bouche. Si seulement, elle savait tout les sacrifices que j'ai du faire pour arriver jusqu'ici. Bref, tout ceci n'était qu'un court instant de ma vie et il ne fallait pas que je m'y attarde. Il était assez tard, au-delà de minuit sans aucun doute.

Une fraiche brise vint me caresser le visage, je respire un grand coup, remplissant mes poumons de cet air marinier. Je n'étais jamais venu dans ces quartiers auparavant seulement, avec l'aide de ma mémoire, je pus faire le chemin inverse et repartir en direction du kraken. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant que tout était fermé. Pas un chat, pas un rat, rien. Quelle veine ...

- J'ai vraiment aucune chance, bordel.

Penaud. Rares étaient mes mauvais jours, celui-ci était à marquer dans mon livre de vie. Je n'avais pas la possibilité de retrouver Solas et celui-ci avait surement du rentrer se coucher. Je n'allais pas le réveiller de nuit sur son navire ! Il est vrai que moi-même, je commençais à fatiguer. Je déambulais sur le ponton, mes bruits de pas résonnant au beau milieu du port. Cette solitude me faisait un bien fou et en même temps, je repensais à cette rencontre un peu plus tôt. J'avais eu ce sentiment d'être vivant, plein de fougue comme lorsque j'étais plus jeune ! Quel dommage. Peut-être que je n'aurai pas du parler ainsi seulement, mon ressenti face à ces gens là est assez virulent. Il n'y a aucune raisons qui justifient leurs actes.

Je me dis que ce genre de soirée paisible plairait énormément à son Altesse. Je prendrai deux hommes avec moi, histoire que nous soyons rassurés de pouvoir nous promener ainsi. Après tout, j'étais comme un deuxième père pour Élise, même si je n'avais jamais envisagé un tel rôle. Je n'étais pas fait pour être père, être marié et m'occuper de ma famille. Après tout, je ne sais pas ce que c'est qu'une vraie famille. A ce jour, je reste un homme comblé par le rôle que j'entretiens auprès de sa Majesté, de la confiance que l'on me porte et des devoirs qui m'incombent envers le royaume de Viermont.

Sur ces belles pensées, il était temps de retrouver la château d'Émile et d'aller retourner auprès de mes hommes, qui devaient attendre que je revienne par la cachette que j'avais empruntée. Ni vu, ni connu, au moins je ne me suis pas fait attrapé. Cela aurait été compromettant envers Myrefall et notre clause d'amabilité avec Viermont. Quelques minutes plus tard, je pus retourner sans encombre auprès de la chambre que l'on m'avait fournit. Demain sera un jour important, il sera porté sur les problèmes rencontré avec la Velanas.