La générosité n'a pas de limites.

Aujourd’hui, c’était la fête de Noasis. Une déesse que je ne prêchais pas personnellement, ce qui me poussait à pratiquer mon métier habituel, comme d’habitude… ou presque, en fait. Je ne pouvais pas garder les mêmes procédés que d’habitude puisque les gens étaient étrangement BEAUCOUP plus nombreux que d’habitude. Surpris de voir cela, je m’empressais de sortir hors de mon restaurant pour constater qu’une fête s’était emménagée presque devant mon restaurant !

Voyant qu'une fête s'était organisée et vu l'achalandage, je me sentirais beaucoup plus à l'aise en tant qu'homme. Faut croire que mon passé me marque toujours autant. Vêtu de mes vêtements masculins les plus propres (Vu la fête actuelle, propre et chics) j'avais utilisé la magie d'altération d'apparence aussitôt le restaurant ouvert, pour me garnir d'une chevelure courte rousse, un visage un peu plus carré, une voix beaucoup plus grave tout en changeant les traits de mon corps pour que j'ais l'air d'un homme.

Heureusement, je l’avais constaté tôt le matin. J’avais presque oublié à quel point cette déesse est importante dans les rues de Myrefall, et c’est une fois l’avoir reconstaté -comme à chaque année- que je m’empressais de faire beaucoup plus de nourriture que d’habitude. Je devais compter presque deux fois plus de repas, et en prime j’avais pris la décision de sortir les tables de la taverne vers l’extérieur, offrant donc une terrasse bien plus grande. Cela allait permettre à mes invités de profiter de la fête, des bardes, de la musique ambiante et des festivités qui se déroulaient sur la place publique, presque devant mon restaurant.

Cette année, cela allait être différent des autres années. Dame de Hauterive ayant décidé de mettre un peu d’argent dans l’entretien de mon bâtiment, elle avait décidé de le rénover en entier, m’offrant finalement une cuisine complète et cachée de la vue de mes invités. Cela me permettait donc de travailler beaucoup plus vite tout en étant beaucoup plus à l’aise. La quantité phénoménale de nourriture s’était donc très rapidement préparé, et en très peu de temps j’avais pu rédiger le menu pour ceux qui savaient lire.

-  Oyé oyé! Aujourd’hui, au menu : délicieux potage aux légumes jardiniers en entrée. Le repas : Bœuf braisé assaisonné servi avec des poivrons tranchés et des pommes-de-terre entières au beurre. Le tout conclu par une délicieuse pâtisserie aux fraises. Alcool fournie et à volonté, et offerte gratuitement à l’achat d’un repas !

Ma voix grave et masculine s’était élevée sur la place publique. Alcool gratuit, c’était très rare que je servais cela… mais pour les festivités de Noasis, bien que je ne prêchais pas cette déesse particulièrement, je comprenais pleinement le fait que les autres du pays de Myrefall le faisaient, et c’est ce qui m’avait poussé à tout faire pour leur offrir le plus de choses possibles. Ils pourront donc festoyer comme bon leur semble, en dévorant mes repas, en buvant tout mon alcool s’il le fallait, mais au moins ils allaient pouvoir profiter de la fête.

Je savais que mon repas d’aujourd’hui allait en attirer plus d’un… d’une certaine manière, le potage aux légumes est dans les favoris de bien des pays, que ce soit ici ou en Xavaar… où les gens mettent un peu plus d’épices qu’ici dans leur soupe, mais le potage aux légumes restait un bon vieux classique que les gens savaient apprécier et ce, même si la méthode pour le faire était particulièrement long. Il fallait quand-même écraser tous les légumes correctement une fois la cuisson parfaite atteinte si on voulait faire en sorte que le potage soit onctueux.

J’avais réussi mon repas, évidemment, et j’attendais les clients. Les curieux se rivaient sur mon restaurant alors qu’une charmante jeune femme ailée entrait dans mon commerce. Mon regard curieux se retournait vers elle alors qu’elle entrait sur place avec son minois rempli de curiosité. Son visage était doux et mélodieux, et ses ailes créaient un atout particulier au charme de cette jeune femme.

-  Bonjour chère dame!

Tout sourire, elle démontrait son intérêt pour mon repas, mais également de multiples façons de rembourser ce délicieux repas que par l’argent, me mentionnant qu’elle n’avait plus un sou. J’arquais un sourire à mon tour alors que mon regard vaguait de la fleur bleue qu’elle me tendait à son visage tout sourire. Sa réaction était mignonne, et je ne pouvais nier que l’envie de lui servir un bon repas sans qu’elle n’ait à payer se faisait ressentir. De telles propositions, la jeune femme provenait sûrement de Xavaar, dans les coins reclus de la forêt où la générosité est sans limite, et où l’argent est un facteur complètement délirant.

Puis, vint une proposition un peu plus alléchante, qui me permettrait de souffler un peu : elle me proposait de l’aide… Mon regard devenait plutôt sérieux, en fait. Elle était très dévouée, et son sourire charmeur saurait possiblement emmener beaucoup de clientèle. Sa petite taille faciliterait le passage entre les tables et ainsi rendrait le service plus rapide. Pour aujourd’hui, c’était marché conclu!

-  Et bien, merci de l’intérêt porté à mon repas du jour! Si vous désirez m’aider, je serai ravi de vous offrir les repas gratuits pour la journée. La journée s’annonce occupée et je ne dirais pas non à un petit coup de main !

Je retournais derrière mon comptoir, commençant à sortir les bols, les assiettes et la coutellerie pour qu’elle puisse apprécier un bon repas. Mon regard se retournait donc vers la jeune femme alors que je me préparais à l’inviter à prendre place.

-  Alors, je vous sers un potage ?

Je regardais la charmante jeune femme alors que je m’affairais à préparer les plats pour y mettre le repas. Celle-ci me contemplait, et elle ne semblait simplement pas avoir réussi à accepter le fait que je lui offrais pour la journée. C’est avec un sourire et des ailes qui remuent que ma proposition de repas pour la journée avait été accepté. Elle était ouverte à la discussion et aux échanges, ce qui était bien une bonne chose de Xavaar et Gören, où la monnaie était quelque chose d’abstrait et difficile à comprendre. Ça me faisait un bien fou de revoir cette générosité après tant d’années !

Un sourire se formait sur mon visage, alors que la jeune femme fouillait dans son panier. Elle s’empressait d’en sortir une fleur. Surpris, mon regard la suivait jusqu’à ce qu’elle s’approche de moi, sans toucher terre, pour déposer la fleur dans la poche de mon veston. Son exclamation me disant que la fleur faisait ressortir mes yeux me faisait sourire encore une fois, et que j’étais un très bel homme. Cela me charmait d’une certaine manière, sachant que je faisais non seulement une belle femme (Doux souvenirs de mes moments de noblesse en Batloise…!) mais également un bel homme.

Mon sincère sourire fut interrompu par sa voix, à nouveau, alors qu’elle se présentait de son nom complet… mais pas que. Elle s’empressait de me remettre un peu comme son curriculum Vitae de l’époque, le genre de truc verbal me donnant donc une bonne indice de ses capacités et de ses travaux passés. Satisfait de mon employé du jour, mon sourire revenait de force alors que j’élevais la voix à nouveau.

-   Bien merci jeune dame! Mon nom est Gwenaël Vandegrift. Je suis d’origine de Xavaar, et je dois avouer que le concept de l’argent reste quelque chose de très abstrait pour moi, de même pour la culture de noblesse et de richesse.

Là, je pouvais enfin être sincère dans mon ressenti concernant cette étrange culture. J’avais beau tenter de m’y faire, j’avais beau la comprendre –après toutes ces années passées en Myrefall, j’ai pas trop le choix de m’y être fait- la culture Xavaaroise me manquait toujours autant… et la générosité des gens fait partie intégrale de cette culture sociable. Je m’étais tout bonnement créé une nouvelle vie, et je me devais de m’y faire, à présent. Mon regard curieux se retournait vers la jeune femme qui était devant moi avant de m’exclamer à nouveau.

-   Ne vous en faites pas pour la cuisson, je sais m’en occuper. Votre boulot, ce sera d’offrir le service avec le sourire !

Une fois les plats prêts, je versais une part de potage dedans, le déposant sur le comptoir. Accompagné d’un verre d’eau, je passais de l’autre côté de ce comptoir-là, reprenant le plat ainsi que la coutellerie puis je me dirigeais vers la jeune femme. En guise d’exemple, je lui offrirais le même service que j’offre à tout le monde : le sourire aux lèvres, je déposais le bol, la coutellerie et le verre d’eau sur la table, délicatement, et ma voix s’élevait dans une exclamation finale, avant de retourner derrière mon comptoir discrètement :

-  Bon appétit ma chère, dans l’espoir que le repas vous plaise !

Alors que je servais le repas à la jeune femme devant moi, celle-ci s’écrasait à une table à la vitesse de l’éclair. Pour ma part, je retournais derrière le comptoir pour commencer à préparer les bassins d’eau pour nettoyer les plats et la coutellerie, puisque je m’attendais à l’achalandage relativement importante grâce à la fête de Noasis.

Je devais être prêt à toute éventualité, dont le fait que la jeune fille décide de me laisser tomber. À voir son tempérament, c’était quelque chose dont je doutais fort bien, mais je préférais m’y préparer quand-même au cas où. J’avais été trop souvent laissé tomber par des employés par le passé, je préférais prévenir que de guérir.

Un couple de client entrait dans le commerce alors que la jeune hybride venait me porter ses trucs sales à nettoyer. Jaëlle me demandait par la suite où mettre son panier le temps qu’elle paie son repas en main d’œuvre. Un léger sourire s’étirait sur mes lèvres alors que je lui tendais ma main, prêt à attraper l’objet. J’allais lui trouver une petite place derrière mon comptoir, spécialement pour elle.

-  Je vais l’entreposer derrière le comptoir, ici, en dessous des verres. Vous pourrez le récupérer lorsque vous serez prête à quitter. Allez-y, je vous les laisse !

Alors que je laissais le jeune papillon travailler auprès de ses clients, un autre être inattendu pénétrait mon établissement… un être peut-être moins désirable en tant qu’individu, mais qui sait, peut-être sa taille me rapportera gros… je ne connaissais pas l’appétit des démons, mais je ne le laissais pas attendre.

Aussitôt installé, il retirait son manteau, dévoilant de grandes ailes qui avaient sûrement été recroquevillées depuis longtemps sous le tissu. Sa voix s’élevait, réclamant le repas du jour et un verre de rhum.

-  Entendu !

Simple, classe, ma voix masculine avait répondu rapidement à l’ailé dans la place. Je fouillais sous mon comptoir pour y sortir les plats, servir le repas du jour dans ces mêmes plats, et couler le rhum dans l’un de mes plus grands verres. J’emmenais le verre d’alcool moi-même au grand démon, puisque ma toute nouvelle employée était occupée à servir d’autres clients avec son si beau sourire… à un point où je me demandais si ce serait une bonne idée de la laisser servir le démon.

Je déposais donc le verre d’alcool devant l’homme, pour constater que cet être démoniaque était Orion… non seulement un démon recherché, mais également le grand capitaine ayant mené à bien la dernière expédition. Un pirate cherchant à se rattraper ? Je n’en savais rien, et j’allais éviter de poser des questions. Le bien-être de mes clients est ma priorité.

-  Voilà votre verre de rhum. La jeune ailée ici présente vous apportera votre repas dans les prochaines minutes.

Je retournais rapidement derrière mon comptoir, question de nettoyer les plats sales et garder un œil sur mon antre.

J’affichais un doux sourire à la jeune fille qui semblait se faire un plaisir fou à servir les clients. Enfin, quelqu’un qui faisait l’une des choses que j’aimais le moins… pas que je n’aime pas servir les clients, loin de là – je trouve simplement ennuyeux le fait de devoir confronter le mécontentement de certains clients… comme si certains n’étaient pas faits pour vivre en public. J’aurais pu dire que c’était de la faute de mon expérience en noble restaurant auprès de l’ondine, mais non…

J’ai une façon de penser plutôt étrange. J’aime performer, certes, j’aime aider encore plus… mais souvent, l’avis des gens me saoule, surtout quand il s’agit d’un commentaire gratuit et peu plaisant… un peu comme une plainte non fondée, simplement par le fait qu’ils n’aiment pas les recettes xavaaroises. Certains clients feraient n’importe quoi pour ne pas changer leurs habitudes…

Deux autres «clients» entraient dans le bâtiment, mais plutôt que de prendre place, les deux s’installaient quelque part dans la place, l’un d’eux se tenant à l’écart et discret tandis que l’autre se défoulait pleinement avec la nature : les atouts de la forêt s’emparaient très rapidement de mon restaurant, passant des murs au plancher qu’il défonçait sans scrupule par des racines. Pendant ce temps, le démon s’était levé et était parti en courant vers l’extérieur alors que cela semblait pire dehors.

La rage se faisait voir dans mon regard et je m’apprêtais à répliquer lorsque l’une des armes naturelles de l’ingrat projetait mon employé contre le dos du comptoir, la poignardant à l’épaule. L’exclamation de la jeune hybride me venait rapidement à l’oreille. La colère montait encore plus en moi.  

-  Merde…! Mais qu’est-ce qui se passe ??!?

Alors que je venais de m’exclamer sur mes sentiments actuels, le velana devant moi s’exclamait à son tour, répondant presque instantanément à ma question. Le monologue de la velana dehors m’interpellait personnellement, mais je préférais rester dans mon restaurant, question de tenter de sauver la jeune femme.

Mon regard sombre se retournait donc vers les assaillants. Incantant rapidement, les racines s’empressaient de s’enrouler discrètement autour des pieds des deux vilains, et alors que mon intention était de les tuer de ma magie druidique, la jeune millicienne arrivait sur place pour s’occuper du sort de l’un de ces deux vauriens. Saelle, que j’avais rencontré plus tôt à la chapelle, accourait à notre rescousse. Elle neutralisait facilement l’un d’eux, et pour la peine, je m’assurais que les lianes se resserrent autour des pieds du deuxième question de lui faciliter davantage la tâche. Une fois cela fait, je soupirais légèrement.

Je regardais rapidement la jeune fille près de moi. Jurant, je m’empressais de tenter de libérer la jeune femme grâce à ma magie druidique. Mon énergie circulait dans la racine jusqu’à ce que celle-ci se soulève de la plaie, libérant ainsi la jeune fille. Mon énergie était limitée, j’avais dépensé déjà un peu trop à cause de l’altération d’apparence… je n’allais pas pouvoir aider longtemps.

Entre temps, à force de me concentrer sur ma magie druidique, j’avais perdu ma concentration sur ma magie de l’altération d’apparence, faisant donc de moi…. Une femme, à nouveau. Mon corps féminin reprenait rapidement le dessus sur mon apparence modifiée. Ma taille était un peu plus petite qu’elle ne l’était, mes courbes étaient un peu plus présentes, et mes muscles s’étaient dissipés. Ma voix s’était également féminisé beaucoup plus que je ne l’aurais anticipé, mais j’avais d’autres chats à fouetter que mon apparence. Le moment était critique. Je devais sauver Jaëlle.

-  Est-ce que je peux faire quelque chose pour t’aider…? Les médecins sont probablement déjà débordés…… c’est pire dehors.

Je n’étais pas médecin… et je craignais de devoir sortir avec la jeune hybride. Je ne savais pas du tout quoi faire avec une telle plaie… mais les chances que les médecins soient déjà très occupés venaient d’anéantir l’espoir d’en voir un entrer ici rapidement.