Retour au Bercail !

«Life is fleeting
By the slow
It chills us
To the wave»

C’est avec un œil plutôt étonné qu’Alyss se promenait dans le centre-ville du Viermont. Étonné puisqu’elle s’était attendu à ce que la pauvreté ici soit moins palpable qu’à Grimaël. Pourtant, les gens du duché semblaient tout autant souffrir ; sinon plus de savoir que la royauté n’était pas bien loin, avec de quoi se mettre sous la main et des couvertures chaudes près des foyers auxquels ne manquaient jamais de bois.

Bref, belle injustice qui se déployait lentement. La jeune femme pinça les lèvres. Dans ces conditions, elle ne pouvait pas beaucoup gagner d’argent elle-même, favorisant l’entre aide le temps que la situation revienne à la normale, si elle le redevenait un jour.

La gorinn avait réussi à trouver logis en échange d’aide d’un vieillard. Elle avait donc terminé de transporter sa marchandise, se reposant à même le sol, se frottant les pieds qui étaient complètement nus malgré la neige, qui franchement ne l'embêtait pas du tout, contrairement à beaucoup de villageois. La faim a tendance à empirer le sentiment de froid, malheureusement. Il n’était pas tellement tard pour avoir gagné un toit sur sa tête, avec un peu de chance elle trouverait bien un petit boulot qui lui vaudrait des grains ou de la nourriture quelconque non périssable. Quelque chose qui ne lui demanderait pas de marcher autant avec des charges lourdes, elle n’en pouvait plus.

Au loin, plusieurs villageois semblaient quémander de l’aide d’un jeune qui ne semblait plus les voir. Les pauvres. Le petit ne semble pas très bien non plus. Comme un peu tout le monde, mais son visage lui est plus ou moins familier. D’où elle l’a déjà vu, impossible à dire. Il pourrait être un ancien client. Par contre, c'est évident qu'il ne pouvait pas aider personne s'il avait lui-même besoin d'aide. Elle se décida donc à se proposer, qui sait.

Alyssandra s'obligea donc à remettre ses chaussures, déjà lasse de l'élancement qui se formait dans son talon. Elle s'approcha doucement, mais il ne sembla pas la voir approcher, perdu elle ne savait trop où. La blanche posa donc une main sur son épaule, ce qui le fit réagir brusquement. Malgré tout, il ne semble pas méchant. Pas bien vieux, mais sans doute pas un gamin non plus, mais pas méchant.


« Pardon, je ne voulais pas vous effrayer. » Elle s'essaya à un sourire qui se voulait rassurant, mais définitivement, son visage lui rappelait quelque chose, de près ou de loin, sans qu'elle ne sache quoi... Peut-être qu'il avait déjà payé ses services? Bah, en ce moment, ça ne changerait pas grand chose.

« Je voulais juste m'assurer que vous alliez bien et que vous n'aviez pas besoin de quelque chose... C'est bien d'aider les autres, mais il ne faut pas hésiter si vous avez besoin en retour. »

Marrant comme dans la vie on a les meilleurs conseils qu'on n'applique jamais vraiment soi-même. En tout cas, le gamin peut-être pas si jeune que ça semblait être un habitué du coin, peut-être même un gorinn lui-même Peut-être était-il simplement dépassé par la situation....


   

«Wondering when
Savior comes
Is he
Gonna be saved»

L’homme devant elle était mignon, un peu trop bronzé pour être du coin, mais mignon tout de même. Après tout, physiquement, Alyss appréciait beaucoup de gens, femmes, hommes, ils avaient pratiquement tous un certain charme. C’était pratiquement toujours quand ils ouvraient la bouche que ça n’allait plus. En tout cas, avec tous les gorinns du coin, c’était peut-être le plus de poils qu’elle verrait sur un homme pendant un bon moment. Autant en profité pour bien observer. Petite barbe et surtout : quelle chevelure!

Le malheureux ne semblait cependant pas dans son assiette… Bon, personne ne l'était vraiment, mais il avait le visage de quelqu'un qui est vidé et surtout dépassé par tout cela.

« Je suis désolé d’avoir réagi aussi brusquement. Je croyais m’être fait prendre, alors que je n’ai rien fait! »

Heu? Louche à souhait, oui. Qui donc, dans la vie, craint de se faire prendre comme ça, pour quelque chose qu'il n'a ''pas fait''? Alyss haussa légèrement un sourcil, essayant de se rappeler si les soldats recherchaient activement quelqu'un, ces temps-ci.

Elle ne dit pas non plus que c'était un criminel, peut-être était-il réellement innocent, mais il ne lui vint pas un évènement particulier en tête. Mais la tournure de phrase lui jouait en boucle en tête. Se faire prendre... À quoi? Pour quoi?

« Pourquoi vivons-nous dans cette pauvreté, alors qu’il pourrait nous aider au château? »

Question 101 que toute personne vivant dans la pauvreté se pose actuellement.

Par contre, l’homme au teint foncé avait bien indiqué « vivons-nous », donc il serait citoyen du Viermont. Sans vouloir faire de commentaires racistes, il lui semblait évident qu’il avait émigré, ou du moins ses parents.
Un homme possiblement recherché qui vivait ici, mais pas de première génération.
Ça fait beaucoup d'informations d'un coup, tout ça, et pourtant, ça n'avait pas beaucoup de sens encore. La gorinn préféra passer la question sous le silence pour l'instant.

« Je pense qu'on se pose tous la question... J'ai des théories qui n'aboutissent pas. Pendant un temps, je croyais que les riches n'aidaient pas de peur d'en manquer eux-mêmes, mais après avoir eu vent des buffet qui prennent place à la cour du roi, je suis à sec de ce côté. »

Elle eut un léger haussement d'épaule, regardant pensivement autour. C'était un sujet pour soulever la colère, aussi elle maîtrisait son ton de voix pour ne pas trop se faire entendre. Mais elle n'était pas du genre à rester les bras croisés. Elle aidait le plus qu'elle pouvait l'orphelinat et elle avait un voyage de planifier pour aller chercher des solutions ailleurs.

Alyssandra reposa son regard bleu sur l'homme.

« Vous dites que vous êtes du coin? Je ne crois pas avoir vu vos jolis yeux dans les environs... » Encore moins à la taverne ou dans sa couche, elle se rappellerait d'une telle tignasse. « À moins que vous soyez installé depuis peu? Enfin, si vous avez besoin d'un logis ou d'un repas ce soir, je peux essayer de vous arranger quelque chose. »

Qu'il soit recherché ne lui faisait pas grand chose, bien honnêtement, elle avait passé du temps avec des gens peu fréquentable, mais disons qu'elle n'enverrait pas un voyou près de l'orphelinat, elle s'arrangerait davantage pour qu'il passe la nuit à l'auberge ou dans une église.

   

«'Cause your presence
Still lingers here
And it won't
Leave me alone»

Alyss hocha doucement la tête, comprenant un peu ce qu’il voulait dire; elle-même était bien souvent « ici et là », quoi que plus souvent ici en temps de crise, préférant aider que de ne rien pouvoir faire. Elle avait horreur de ne rien pouvoir faire. Pire que l’idée de mourir de faim. Bref, elle pouvait comprendre, aimant aussi se faufiler un peu partout sans être remarquée, sauf lorsqu'elle avait à se faire de l'argent, on s'entend.

Il lui fit un clin d’œil en lui assurant qu’il habitait ici depuis qu’il était tout petit. C’est possible, Alyssandra ne connaissait pas toutes les personnes du Viermont non plus, elle avait voyagé assez pour avoir vu bien du pays. De plus, pour qu'il demande logis, il devait venir d'ailleurs dans le Viermont, ou avoir fait le choix de quitter demeure, ce qui expliquerait son impression de ne jamais l'avoir remarqué dans le coin.

« Bien sûr que ça peut s’arranger! Vous me devrez cependant une choppe à un moment ou à un autre. Au fait, on m'appelle Alyss, enchanté! »

Quand ils auraient le temps de se reposer et de boire et que le pays ne serait pas sans le sou, disons. Entre-temps, vaut mieux se présenter en bonne et due forme, l'idée de se faire appeler «hey toi» ne l'enchantait pas nécessairement.

Il semblait cependant nerveux à l’idée qu’il ait commit un crime, revenant là-dessus… Mentionnant aussi qu'il était jeune. Aucune idée quelle âge, elle ne saurait le quantifier. Sauf qu'il lui envoyait des clins d'oeil, chose que s'il était mineur elle lui dirait gentiment d'arrêter. Déjà que les hommes qui cherchaient des petites filles lui levaient le coeur, elle n'allait pas commencer à le laisser lui faire de l'oeil alors qu'il était jeune. Remarque, il devait croire qu'elle avait son âge, ce qui était plutôt amusant et mignon, mais pas correct quand même.

Bon, elle devait en savoir davantage! Hors de question de rester avec quelqu'un dont on doute pourrait être un criminel. Certes, elle était menue, mais la Gorinn savait se défendre. Mais ce n'est pas une raison pour faire exprès de se tenir avec un criminel. Elle joua doucement avec une mèche de cheveux, lui souriant doucement en retour, un air compatissant lui imprimant le visage.

« Je ne comprends pas, pourquoi croirait-on que vous avez commis quelque chose que vous n’avez pas fait? Ce n’est pas tout les jours que l’on se fait accuser injustement de quelque chose… Que s’est-il passé? »

Remarquer, elle ne croyait pas tant dans les autorités, et l'idée qu'ils fassent des erreurs ne lui était pas horrible non plus, elle voulait surtout comprendre avant de l'aider à se trouver un toit au-dessus de la tête.