Une sombre promenade. (Feat. Alexandre De Vanguard)

Pour s'aérer l'esprit et le cœur, rien de mieux qu'une sortie afin de libérer les mauvaises ondes. Je l'ai apprit à mes dépends, rester cloîtrer entre quatre murs et l'on devient fou. Alors que je me baladais dans ses couloirs bien mornes et tristes, trop silencieux à mon goût, il me vint l'idée d'aller quérir la princesse et de nous faufiler en dehors de cette bâtisse bien vide sans l'âme de notre roi. En tant que conseiller, il était de mon devoir de prendre soin de son Altesse ainsi que d'aider à reprendre le flambeau avec les hauts gradés. Il était de notre devoir de trouver un moyen afin que le trône soit de nouveau actif, rapidement. Sans cela, si les autres contrées apprennent la mort du roi, nous risquons d'avoir des problèmes. Bien sûr que cela se saura, tôt ou tard, seulement nous ne pouvons laisser le royaume sans aucun gouvernement. Cependant, bien que la tristesse et le deuil nous fait face, il va falloir aller de l'avant. Élise doit se battre. Cette douloureuse épreuve risque d'être un fardeau qu'elle portera toute sa vie.

J'intervins auprès d'un garde et lui demanda d'aller à la chambre de la princesse, afin de lui d'informer de cette sortie. M'enveloppant de mon armure, je descendais d'un air solennel les marches qui donnaient sur la cour, jusqu'à la porte principale. Le soleil baignait le royaume, bien que le froid mordant nous chatouillait les narines. Je la vis s'avancer avec grâce, vêtue de noir. Son visage pâle et ses cheveux d'argent la rendaient remarquable, telle une sculpture de cristal. Fragile. Gracieuse. Enchantée.

- Désolé de vous avoir fait patienter, Sir de Vanguard, je suis prête pour aller me promener dans la ville.
- Ne vous inquiétez point, votre Altesse. J'aurai attendu le temps qu'il faut. Une escouade de quatre gardes nous attendent un peu plus loin, ils resteront en retrait mais veilleront à votre sécurité. Tout comme je le fais.

Ce devait être difficile pour elle, de se sentir toujours épier. Néanmoins, il fallait veiller à ce qu'il ne lui arrive rien. Après les tragiques événements, il se pourrait que l'assassin rôde toujours. Il n'était peut-être pas seul. Sa Majesté méritait toute ma disponibilité ainsi que de ses sujets. L'un des gardes avait un cor, si jamais un danger se présentait afin de créer l'alerte. Je demandais à sa Grâce si elle souhaitait prendre mon bras, nous marcherions à son rythme. J'espérais que tout se déroulerait bien. Il lui fallait respirer une grande brise fraîche et voir du monde. Tandis que nous descendions une grande allée qui menait au centre de la ville. La population s'agglutinait dans les rues, lorsqu'ils remarquèrent la princesse, ils s'inclinèrent, avec respect.

- Viermont vous appartient princesse. Vos sujets ont besoin de vous, comme vous avez besoin d'eux. Sachez que, vous n'êtes point seul dans cette épreuve.

Des marchands ambulants criaient "Il est bon mon poisson ! Il est bon !" ou encore présentant des mets à prix honorables. Certains vendaient par paquet. Il y avait des étals de tout bord, dont certains avec des bijoux (des breloques très certainement). On y voyait de la pâtisserie, des boissons fortes, certainement un jour de marché. Cela risquait peut-être d'énerver sa Majesté. Les gardes ne nous quittaient pas des yeux, il y avait un certain périmètre qui s'était fait autour de nous, le peuple nous laissait respirer tout en admirant sa Grâce. La plupart souhaitait l'interroger sur la mort de son père, mais les gardes les retenait.

- Souhaitez vous que l'on rebrousse chemin ? Voulez vous du calme ?

Elle me parlait avec douceur, une voix non pas d'enfant, mais d'une femme qui allait prendre sa vie en main. On sentait dans son ton, qu'elle n'avait d'autre choix que d'aller de l'avant. Bien que je n'apprécie pas spécialement les gorinns, elle reste avant tout, la fille du roi. Élise voulait sa pâtisserie, qu'elle se paya elle-même. L'odeur me remonta dans les narines, cette belle odeur de pain chaud et tendre. Le pays ne connaissait pas la meilleure des périodes, entre la pénurie de nourriture qui surviendra sans l'ombre d'un doute, plus vite qu'on ne le présage, l'assassinat du roi et une princesse qui n'a pas réellement de pouvoir politique (pour l'instant), c'est trop de charges émotionnelles. Je me perdais légèrement dans mes pensées, songeant à ce qu'elle pouvait ressentir et comment l'aider à prendre en main tout un peuple en désarroi.

- Je veux bien marcher encore, si vous avez une idée d'un endroit revigorant, cela pourrait être une option. Bien que je sois sortie quelques fois du château, je ne connais pas tous les endroits agréables.

Tournant ma tête vers son joli minois, j'acquiesce et lui propose de se diriger en dehors de la ville. Le peuple ne risquait pas de s'insurger si leur princesse, en deuil, venait à quitter Viermont. Voir l'étendue de neige, s'écarter du brouhaha de la cité et sentir un air revigorant qui nous fouette le visage, c'est ce qu'il y a de mieux. Les gardes nous suivraient tout le long, on nous laissa un passage vers les grandes portes de la cité, un palefrenier fut appelé pour nous servir des chevaux. Nous attendions un temps, sans parler. Nous n'étions point réellement expressif, je n'avais pas pour habitude de tenir la conversation. Mon seul devoir envers la princesse risquait d'évoluer à diverses échelles. Je ne saurai point l'aider à gouverner, je n'ai pas ce potentiel, je ne suis qu'un soldat parmi d'autres.

Nos chevaux furent livrés, je laissais d'abord la princesse monter sur son cheval, lui laissant mon bras comme appui pour qu'elle grimpe, un pied à l'étrier. Mes gardes et moi-même suivirent le pas et continuons sur un chemin enneigé. Quelques nuages éraient dans le ciel, nous avions quelques rayons de soleil éparpillés, rendant ces lieux baignés d'une blancheur extrême. Cette étendue sauvage nous ramenait à une dure réalité. Notre vie n'était rien face à mère nature. Deux gardes devant nous, deux gardes derrière, Elise et moi au centre de la formation.Un de mes gardes me demanda où nous allions.

- Non loin. Continuons tout droit, nous gardons un œil sur la cité. Il faut qu'on reste aux alentours afin d'éviter de se perdre dans cette faune hivernale. Un silence. Je tourne ma tête vers Elise et commence à prendre la parole. Princesse, si vous avez la moindre quiétude, si vous avez besoin de quoi que ce soit, sachez que je serai là pour vous. Mes hommes également. Votre père était un homme incroyable seulement, en sachant que vous êtes sa fille, vous représentez son sang. Votre noblesse et votre beauté vous mèneront loin. Nous devrions tenir une grande cérémonie pour les prochains jours, afin que le peuple et nous-mêmes puissions dire adieu à votre feu père.

La princesse était une femme exceptionnelle bien qu'elle soit remplie de tourments. Du moins, c'est ce que je supposais à voir son visage pâle, une mine bien sombre et cette tristesse dans le regard. Elle ne semblait point porter le roi dans son cœur, sachant que je ne puis m'imaginer la solitude dont elle a du faire preuve. Le roi n'avait pas une superbe réputation d'après ses dires. Je ne pouvais la contrarier et, bien que je sois un homme fidèle et dévoué, je me devais de rester auprès de la princesse peu importe ce qui s'ensuivrait. Bien que le froid mordant nous frappait au visage, son visage si doux se rempli soudain de quelques larmes. Mon cœur vacilla en la voyant ainsi, je ne sus comment réagir. Elle se reprit d'elle-même en expliquant qu'elle organiserait bientôt les « festivités ». J'acquiesçais lorsqu'elle prétendit s'assurer de la sécurité des personnes, tout en sachant que la garde serait des plus loyales bien qu'elle soit une femme. Elise est avant tout, la future reine.

Le temps passait, nous avions sûrement passer plus d'une heure en extérieur, il fallait rentrer. Mieux valait préparer la cérémonie au fur et à mesure, nous n'avions que peu de temps. Le roi aurait sûrement prit les devants s'il était encore de son vivant. Prévoir. Agir. Exécuter. De simples mots qui veulent tout dire. De l'implication, de la persévérance, du courage. C'est ce qu'allait devoir affronter Elise dans les jours, les mois et même les années à venir. J'espérais pouvoir être auprès d'elle, qu'elle puisse diriger d'une main de fer son royaume. Nous retournions dans la cité de Viermont, se dressant avec fierté car montrer un visage abattu à nos concitoyens et ils jugeront que nous sommes à mal. Aucune faiblesse. Nous sommes là pour leur dire que tout irait bien, alors qu'en fait, il n'en ait rien.

- Ma dame, souhaitez vous que l'on rentre au château pour discuter des éventuels changements à venir ? Je parle ne serait-ce que politique et notamment pour votre apprentissage. Nous étions loin d'avoir terminé. De même que, pour la cérémonie, il serait bien de savoir le nombre de gardes que vous souhaitez répartir par secteur ainsi que de la date effective. Nous devrions engager un Crieur pour déclarer au peuple que votre défunt père aura une cérémonie des plus prestigieuses.

Me doutant que ce sujet restait sensible, il fallait néanmoins se concentrer sur la suite. Personnellement, Elise ne risquait pas de se faire agresser en public si elle restait vraiment bien entourer de ses sujets les plus loyaux. J'aurai tellement aimé que les temps soient moins durs pour elle, pour nous tous. Si fragile, si gracieuse et pourtant avec un bon tempérament. J'avais hâte de la voir grandir, de la voir s'épanouir dans son nouveau monde. M'approchant un peu plus d'elle à cheval, je lui déclare avec un ton attendrissant :

- Princesse, si vous avez besoin de parler ou d'avoir ne serait-ce qu'un soutien moral, sachez que je serai à votre écoute. Vous êtes La femme la plus importante de ce pays. Je vous promets de vous être fidèle jusqu'à ma mort, comme je l'étais pour votre père.

La question de sa majesté me mit mal à l'aise. Avec stupeur, je mis un temps pour lui donner ma réponse. Cette jeune femme est trop jeune, manque peut-être encore de maturité. Elle n'a point réellement vu ce qu'était le monde. Un monde de sauvage, d'impie, de brutalité et de sang. De plus, comme moi, il y a sûrement des gens qui ont du mal avec le fait d'avoir une Gorinn en tant que reine. Vraisemblablement, cherchant au fond de moi, je savais pertinemment que si elle n'était pas reine, je ne l'aurai sans doute pas remarqué plus que ça et aurait tracé mon chemin sans même lui dédier un regard. Néanmoins, a raison de la côtoyer, je ne peux que me remettre en question et comprendre que tous ne sont pas pareils. Comme les Hommes d'ailleurs. Chacun avec sa personnalité, avec sa gestuelle, sa façon de vivre et de parler. Elise me semblait si faible dans ce monde de sauvage. Je la vois telle une statue de cristal qui, au moindre faux pas, se briserait et éclaterait en plusieurs morceaux.

Sa question me taraudait, résonnant au plus profond de mon âme. Cette simple question qui me fit douter sur sa façon de penser vis-à-vis des hommes. Je devais rester de marbre et réfléchir avec parcimonie à la façon de lui dire avec tact que ce n'était que par son statut que je serai à ses côtés. Elle est de la royauté, mon univers, mon monde a toujours été tourné vers la politique et le militarisme. Mon voeux le plus cher n'a point été exaucé, je souhaitais avant tout être un homme de lettres. Cependant, aujourd'hui, je remercie mon père de m'avoir aiguillé jusqu'ici, sans aucun regret. Je suis fils d'une famille qui a voué sa vie en tant que soldat, à rendre fier sa nation et à protéger ceux qui ont le pouvoir de changer tout un royaume.

« D'autres raisons ». Ce sont ces derniers mots qui m'ont surtout touchés. Que pouvait-elle bien avoir derrière la tête ? Douterait-elle de moi, Alexandre de Vanguard, pour qui ma famille a tant donné après tant d'années sans jamais rien demandé en retour ? Vient-elle me défier de son regard angélique pour savoir si je suis apte à l'aider, à la secourir au moindre problème ? Je ne connais point les caprices d'une princesse, ni encore moins les intentions des femmes, pour le peu que j'ai côtoyé. Cette simple question m'a perturbé. Le ressent-elle ? Se contente t-elle de savourer mon mal être, car elle sait qu'elle dirigera tout un royaume dont elle aura la responsabilité ? Seulement, comprendra t-elle, Elise de Greywish, que plusieurs personnalités seront auprès d'elle, lui tendant la main et lui donnant ce dont elle aura besoin à l'avenir de son pays ? Mieux vaut prévenir que guérir. Je mets ma main sur mon cœur et lui déclare d'un ton solennel, avec une pointe d'amertume ces mots.

- Elise de Greywish, fille de Vicard de Greywish, Princesse de Viermont, Majesté, je proclame sur l'honneur que moi, Alexandre de Vanguard, fils de Velidreth de Vanguard, jure fidélité au nom de la couronne. Ma famille a toujours été là pour la royauté, sans jamais se retourner. Je tiens tout de même à vous dire que je trouve votre question bien désinvolte, envers un homme. Non. Une famille. Qui a tant fait pour votre famille. Votre question me blesse, princesse.

Nul autre mot à ajouter. Si Dame de Greywish souhaite me faire part de doutes qui pourraient la traverser, libre à elle de me les poser. Cependant, cette question était bien maladroite. De plus, je reste avant tout un fervent chevalier, servant à la protection du royaume et de ses habitants. Certes, je manque également d'entrainements depuis plusieurs mois, il faudra d'ailleurs que je me remette d'aplomb et veille à me maintenir en meilleur forme. Ma condition doit être optimal, qu'elle soit physique ou moral. Je serai sa lumière, celle qui tente de la guider sur le droit chemin.

- Dame Elise de Greywish, si vous avez peur de mes intentions, que je paraisse trop proche de vous, faites moi en part et je me retirerai de votre présence. Peut-être vous faut-il un autre conseiller, un autre chevalier que moi-même ?

Elle s'excusa. Une Dame qui sait reconnaître ses défauts est une Dame qui avancera avec la tête sur les épaules, l'esprit tranquille et avec une grande assurance. Personnellement, je la voyais plus âgée, plus réfléchie. Plus tard, oui, ce serait une reine incroyable. J'espérais vivre à ses côtés jusqu'à ses heures de gloire. Elle méritait tellement d'être heureuse et de savourer chaque instant de son existence. Je serai là. Jusqu'à ce que le souffle de la vie disparaisse en moi. Je devrai peut-être, un jour, songer à avoir ma propre famille. Il serait temps. En tout cas, savoir qu'elle me donne sa confiance est inestimable. Puis, sa question fut particulière. La regardant droit dans les yeux, sans baisser mon regard, je lui tins ces mots :

- Vous savez Princesse, je n'y fais simplement plus attention. Nous nous salissons toujours les mains, même involontairement. Alors. Dans tous les cas, il faut l'accepter. Lorsque vous aurez fait votre rédemption, vous vous sentirez bien mieux.

[...]

Ellipse. Nous revenions vers le château, cette balade nous a permit de nous rapprocher encore un peu plus. Je découvre en elle une femme pleine de ressources, avec un bon cœur. Néanmoins, le domaine dans lequel elle s'apprête à entrer est un monde d'enfoiré. Entre trahisons, assassinats, intérêts économiques, la diplomatie ne se joue qu'à un fil. Le mensonge est partout, si Élise arrive à changer cette politique, peut-être changera t-elle une facette du monde actuel. Seulement, ce n'est qu'une enfant. Il va falloir la protéger et surveiller les personnes qui l'entourent.

Les gardes reprirent leur poste, nos chevaux furent ramenés à l'écurie, j'incite la princesse à me suivre en faisant le tour du château. Nos pieds dans la neige, nos traces s'incrustent dans ce blanc immaculé, je me sentais réellement vivant aujourd'hui. Il est temps de lui dire que la période risque d'être encore plus dur dans les semaines à venir.

- Dame Elise, je souhaite vous faire part de mon avis quant à l'avenir. Sachez que, votre procession à devenir reine risque de bouleverser votre vie. Vous allez avoir énormément de changements, vous allez avoir un règne bien différent de celui de votre père. Je ne sais pas si vous montrerez votre vrai visage. Surtout, ne le faîtes pas. Soyez impartial. Autoritaire quand vous aurez affaire à des chefs d'états. Votre vie risque d'être en jeu chaque jour. Nous veillerons sur vous, seulement, vous ne pourrez pas réellement donner votre confiance à n'importe qui. Je ne veux pas vous rendre paranoïaque, mais réfléchis-y.

Il fallait établir un plan. Dame Elise pouvait refuser, néanmoins sa vie et son futur sont en jeu.

Elise se dressait devant moi, majestueuse, élégante. Sa peau blanchâtre semblait luire sous la lumière du jour qui se frayait un chemin parmi les vitres du château. La salle, bien trop grande pour nous deux, renforçait cette impression de grandeur. La pierre avait du caractère, de grands tapis rouges jonchaient le sol, sur les murs des appliques permettaient d'illuminer les endroits les plus sombres. Les flammes dansaient, réchauffant légèrement la pièce, bien que trop immense. Il fallait rester habillé chaudement. Je n'aimais pas vraiment l'hiver et pourtant, je le subis une bonne partie de l'année. Cette neige poudreuse, ce vent glacial, ces visages pâles sous la lueur du soleil. Nous vivions une période cruciale et sombre.

La mort du roi, ses funérailles par la suite et viendra le couronnement de la future reine de Viermont. Elise. Cette petite aurait besoin de moi, de mes services. Je demande à un valet de nous faire emmener un scribe. Il était de notre devoir de tout mettre en œuvre pour la suite des événements. S'exécutant à la hâte, un homme dans une tunique noire s'avança jusqu'à nous, ses cheveux grisés en bataille, un teint blafard et des yeux enfoncés dans leurs orbites. Il semblait bien fatigué, peut-être était-ce aussi les effets de la vieillesse ? Néanmoins, il s'installa non loin de nous sur un petit pupitre, prit une plume qu'il trempa dans de l'encre et attendit que nous parlions.

- Dame Elise de Greywish, future reine du Duché de Viermont. Moi, Alexandre de Vanguard, promets de vous venir en aide pour cet événement. Néanmoins, il nous faudra placarder les murs des villes, envoyer des dizaines de missives aux diverses personnes qui étaient en relation avec feu votre père. Avez-vous des noms en tête ? Il va falloir préparer le port des lettres également, des messagers, chevaucheurs, devront se rendre sur place afin de distribuer ces missives. Il va falloir penser au coût que cela va impliquer. De plus, pour Myrefall et d'autres provinces, il faudra surement emprunter le chemin maritime. J'aurai bien aimé m'y rendre, ce serait là une belle occasion de voyager. Personnellement, je trouve le délai bien trop court. Si vous ne vous laissez pas plus de temps, nous risquerions d'oublier des détails.

Je me mis à faire les cents pas devant la future reine, l'air pensif, les bras dans le dos avec une démarche militaire. Je songeais également à la cour, trouver comment les nourrir sachant que la faim tenaille l'estomac de nos habitants. Le peu de ressources que nous avons ne suffiront pas pour un tel événement. Ce serait de la pure folie. Nous devrions songer à un apport.

- Dame Elise, nous pourrions demander des apports de nourriture par voie marine ? Il nous faudrait faire un réel échange avec les autres provinces. Sans cela, les festivités vont en prendre un coup. Déjà pour vous mais surtout, pour votre peuple, qui je le rappelle, risque de mourir de faim dans les semaines à venir. L'implication des autres provinces est de mise.

Il fallait réfléchir à toute éventualité. Le scribe ne cesse de griffonner sur le parchemin tandis que mes mots résonnent dans cette ambiance presque théâtrale. Quelques valets nettoient les alentours, je n'ose les regarder de peur d'être déconcentré. Il fallait penser à faire l'effigie du roi, à récupérer ses effets et à diriger un cortège en son honneur le long de l'allée principale de la cité. Cela amènerait du monde. Beaucoup de monde. Le peuple restera en émoi pendant quelques semaines.

- Vous savez, votre Grâce, je suis tout de même heureux de savoir que vous ne perdez pas pied et que vous êtes prêtes à toute éventualité. Vous grandissez.

Élise savait déjà de quoi il en retournait. Il allait falloir s'occuper des victuailles, des lettres, des noms des grandes familles et surtout, de son feu père. Le cercueil serait sûrement l'un des plus beaux jamais conçus. Ce n'était pas de tout repos de gouverner, sa Majesté est bien malheureuse en ces temps troubles. Il ne fallait pas qu'elle montre tant d'humanité et de tristesse devant le peuple. Ils ne voudraient pas d'une reine larmoyantes mais bel et bien d'une femme forte, qui saura redresser son pays malgré tous ces problèmes. Néanmoins, je suis et serai là et ; elle pouvait continuer à pleurer sur mon épaule si cela peut l'apaiser. Elle évoqua le cortège avec les festivités dans la cour du château, pensant que ce serait un endroit stratégique et plus facile à protéger. En effet, il le serait. Je pris les devants, fit une révérence tout en regardant ma Dame, me plongeant dans son regard, rougit par tant de larmes.

- Votre Majesté, je vais donc de ce pas prendre les meilleurs gardes du château et leur fait un briefing sur la situation. Des chevaliers seront à notre disposition et vous aurez bien du personnel sous la main si vous avez la moindre demandes. Je vais donc prendre en charge mes responsabilités et prévoir la gestion des cérémonies, en votre présence et celles de vos loyaux sujets.

Je fis une grande révérence et dans un élan, commence à ma diriger vers mes quartiers. Je devais établir un plan sur les entrées et sorties des invités, les couloirs à surveiller et notamment le nombre de personnes présentes. Je ferai surement mon rapport à sa Grâce dans les plus brefs délais, cependant il fallait réfléchir à tout. Ce travail risquerait de me prendre une journée entière, sachant que je devais contacter quelques hauts gradés. Il me faudrait voir la situation en ville, comment annoncer les festivités et notamment, le plus important, le cortège du roi. Il nous fallait un prêtre, quelques jeunes filles qui se tiendront non loin de sa Majesté afin qu'elle soit à ses ordres.  

J'espérai que le temps serait avec nous le jour fatidique. Dame de Greywish est une jeune femme bien trop fragile avec tout ces drames. Il est vrai qu'au moins, les festivités pourront l'aider à retrouver une once d'espoir pour permettre de nourrir une bonne partie de la population. Ces moments étaient délicats pour tout le monde, le stress frappait à nos portes. Nous étions sujets à tant de problèmes et si peut de temps pour les résoudre. Alors que je tenais une plume et son encrier sur ma table, m'asseyant sur une chaise en bois avec ce petit coussin rouge et délicat, je pris une profonde inspiration et me mit à écrire toutes les éventualités des jours à venir. Il allait falloir sortir des grands tapis rouges, éclairer un peu plus la ville et permettre aux citoyens de redorer un peu notre Blason. Viermont a peut être perdu son roi, mais le continent allait sûrement connaître une meilleure dirigeante.