Quelques pièces d'or - PV Novan

Haelune ne passait généralement jamais beaucoup de temps à Relvagoth. Si certaines personnes s’entêtaient toujours à dire que les drows étaient racistes, ils n’avaient pas côtoyé des démons de près. Aussi, l’elfe noire n’avait jamais été bien plus loin que Dolgrath. Certes, elle n’avait jamais eu d’ennuis, ayant des papiers qui stipulaient être sur place pour affaires commerciales uniquement et ne faisant pas exprès pour s’attarder dans des coins chauds, mais elle ne prenait pas de chance. Les démons n'étaient pas les êtres les plus sympathiques qui soit. Ça et la chaleur était étouffante à la longue, en plus que l'été n'était pas encore bien installée. Ne jamais mettre les pieds dans le coin en pleine canicule. Heureusement, sa peau noire aidant, elle n'avait jamais de coups de soleil.

Bon, elle n'avait rien contre les démons en soit; c'était bien mieux que des elfes ou des vélanas. Elle avait des liens avec des demis-démons pour emmener de la drogue plus loin dans les contrées, ne faisant pas le sale boulot elle-même, ce qui lui évitait bien souvent de venir par ici. Par contre, il lui faudrait bientôt trouver des bateaux plus sûrs pour son stock, Haelune commençait à soupçonner que les cargaisons en terres démoniaques ne se rendaient pas toutes à bon port… Peut-être qu'elle profiterait de ses achats pour observer les bateaux du quai.

La Dalael posa finalement le talon en terres Ralvagothienne, talon haut plus léger que ses habituelles bottes de cuir, chaleur obligeant. D’ailleurs, tout était plus dénudé lorsqu’elle allait dans ces terres. Elle portait un corset noir échancré plus en tissu qu’en cuir ainsi qu’une jupe légère lui arrivant un peu sous les genoux. Par contre, elle n’avait pas retiré sa cape, noire à l’extérieure et rouge vive à l’intérieur, bien ouverte pour ne pas mourir de chaud, un long fouet et quelques armes. Uxyu, taïpan du désert, était bien enroulé autour de son cou, bien heureux de la chaleur, lui. Il n'avait pas besoin d'être autant collé à de la peau pour trouver de la chaleur.

De toute manière, elle avait deux gardes postés près d’elle en tout temps, pas besoin d'être armée jusqu'aux dents. La drow ne leur portait d’ailleurs plus attention, cherchant des yeux ce qu’elle savait qu’elle trouverait tout près, soit un marchand d’esclaves.

Oh, il y en a beaucoup par ici, des marchands d’esclaves et leur petite marchandise, parfois bien élevé, parfois des bombes à retardement qui ne demandaient qu'un maître peu expérimenté pour lui planter un couteau dans le dos. Certains faisaient peine à voir. Des esclaves dont on ne tirerait pas grand-chose, à trop bon marché pour attirer ceux ayant moins les moyens, ce qui n’était pas son cas.

Elle préférait acheter un ou deux produits de qualité qu’une centaine médiocre.
Oui, produit.
Ça vous choque?

La femme noire repéra un démon, haut comme tous les démons, longues cornes, large, noir. Il ne lui inspirait rien de particulier, ce qui ne voulait pas nécessairement dire qu'il n'allait pas essayer de l'escroquer, mais elle avait assez d'expérience dans le domaine pour le sentir arriver des milles à la ronde, si jamais c'était son intention.

Il semblait avoir quelques produits de qualité. Elle fit signe de main aux gardes de lui laisser son espace, de rester derrière, alors qu’elle s’approchait à pas feutré du commerce. Les yeux rouges d'Haelune fit rapidement le tour, sans se poser sur qui que ce soit en particulier. Elle préférait toujours parler avec le propriétaire avant de s'intéresser à la marchandise.

Après tout, ça dépendait toujours de la fonction recherché. Elle ne chercha pas à user de ses charmes non plus. Fort est à parier que cela ne lui emmènerait rien. Aucun rabais quelconque. Les marchands d'esclaves ont des esclaves pour ce genre de choses, et les démons préfèrent les démons. Lois universelle de la vie.

« Bien le bonjour, dresseur. J'ai intérêt pour vos meilleures marchandises, s'il vous convient de m'en faire démonstration. »

Pourquoi faire comme si elle s'intéressait à quoi que ce soit d'autre?

S'il était observateur, il comprendrait bien que le prix n'était pas problématique. Ceux ayant budget serré commencent généralement tout de suite par parler prix, et ce surtout dans les domaines reliés à la drogue. C'est d'un vulgaire. Non, ce qui l'intéressait, c'était la qualité avant tout.

Par principe, Haelune aimait beaucoup avoir des gens à genoux devant elle. C’était inexplicable et plutôt grisant. En même temps, c’était plutôt naturel et le contraire l’aurait irrité. Ça tombait sous le sens que ces sous-merdes se mettent à genoux.

Dresseur d’esclaves, voilà un métier qu’elle n’aurait peut-être pas aimé. Même si les torturer devait être plaisant, avoir des cloportes vouloir vous tenir tête à longueur de jour, non merci. Ils ne devaient pas être aussi dociles que ça lorsqu'ils arrivaient, c'est certain. C’est pourquoi il y avait des dompteurs d’esclaves : pour leur rappeler leur vraie place dans ce monde, avant d’être remis à leur maître. Haelune n’en avait pas personnellement, elle se lassait toujours des jouets de sa mère plus jeune. Aucun n’était vraiment divertissants, mais ses subalternes en raffolaient et en avait besoin. D’ailleurs, ne serait-ce que car ils n’ont pas le temps de faire le ménage à la maison ou empêcher de ses subalternes d’aller dans des bordels et tomber sur des filles qui leur tranche la gorge dans leur sommeil, non merci, tiens voilà une esclave et défoule-toi dessus.

Elle profita d’ailleurs pour regarder le dessus de la tête des marchandises mis à sa disposition. Nombre de ces vermines emportaient avec eux des poux, dont le maître ventait les mérites d’être de « qualité exceptionnelle » et en quelque jours un équipage au complet se grattait la tête.
Bref, pas de parasites sur ceux-là, elle regarda même plus longtemps celui aux attributs de chien pour être sure… Oui, c’était un préjugé.

Le démon prit finalement la parole. Il ne lui faisait pas le même effet que ceux qui parlent trop et où elle finit par ne plus les écouter pour se fier uniquement à ce qu’elle voyait.
Non, celui-là allait directement au but. Tant mieux.

« Je cherche un esclave polyvalent et un esclave sexuel. »

C’est rare de dire cette phrase sans broncher, mais pas chez les elfes noirs. De plus, ce n’était pas pour elle mais bien pour cadeau, elle s’en fichait bien, quoi que si elle s’ennuie trop dans le voyage de retour...

Bref, les oreilles de chien lui indiquaient qu’il serait probablement soumis et pourrait peut-être faire les deux. Remarque, s’il avait du flair, il pourrait être utile dans un domaine particulier. Elle avait un problème avec certaines personnes gardant une partie de la marchandise. Ou encore sentir des concurrents qui iraient vendre sur ses territoires. Un flair entrainer à sentir la drogue, ça pourrait être drôlement utile.

Elle venait d’énoncer ses besoins, mais elle pouvait encore changer. Client est roi, non?

« Le bâtard, il a quoi exactement comme attributs animaux? Son flair est comment? Plus précisément, peut-il être dresser à sentir des odeurs particulières et sur quelle distance? »

Énoncer des critères d'esclaves comme si la marchandise n'était pas présente était monnaie courante, ne vous offensez pas de si peu. Haelune devra bien le tester pour voir s’il va lui dire la vérité. Heureusement, elle pouvait bien penser à un test facile, mais elle préférait attendre un peu pour ne pas vexer le démon.

Elle se voyait bien lui enfiler un collier de chien et lui demander de se promener à quatre pattes. Ça l’amuserait quelques minutes.

Ensuite, elle observa le démon auquel on avait retiré les ailes. Lui, il ne lui inspirait rien de bon. Elle ne va pas greyer un subalterne d’un machin gigantesque avec d’énormes cornes. Oui, il pourrait servir pour briser quelques rotules de ceux qui payent pas. Bon, à méditer. Elle savait prendre des décisions rapidement, c'était obligatoire dans son domaine, mais elle avait encore les deux autres à observer.

Les plantations de drogues pouvaient avoir besoin d'un esclave de plus, et une humaine femelle pour l'entretien d'intérieur était une possibilité intéressante, mais pas dans ses priorités. C'est surtout le chien qui était encore incertain, mais pour le reste, son opinion était déjà fait.

Des paroles qui furent prononcées, certaines sonnèrent doucement à ses longues oreilles. Ce qui piqua davantage l’attention de la noire, c’était les nouvelles informations du démon sur l’ouïe accru de l’esclave canin. Elle aurait de ce pas déposer les pièces d’or dans les mains de l’ailé, mais elle ne précipita pas les choses, ça ne faisait pas de bonnes affaires – sauf dans les rares cas où tu n’as pas envie de t’éterniser, mais tu te ramasses souvent à payer cher pour de la qualité médiocre, puisque tu démontres que tu ne remettras jamais les pieds dans le coin. Haelune essaya donc de faire un effort pour sembler moindrement intéressée aux autres moins que rien de l’étalage, mais son esprit était déjà bien décidé sur le premier, si ce qu’il avait dit s’avérait vrai. De toute manière, ce ne serait pas bien difficile à prouver.

Si vraiment il peut mémoriser certaines odeurs, poursuivre des personnes et écouter des conversations, ce serait un atout assez important, et surtout un esclave à ne pas avoir contre elle. Ce pourrait même être rentable sur le long terme, ça évite de dépenser des sous sur des espions, par exemple, lorsqu’il s’agit de discussions facilement accessibles mais difficile d’entendre. Il le ventait si bien qu’elle douta même un instant d’avoir emmené des liens et un fouet pour rien, et ça ne lui était pas arrivé souvent d’avoir cette impression. S’il était vraiment aussi brisé que ce que le démon le laissait entendre, soit elle avait affaire à un pro dans le dressage, soit le clébard avait une des personnalités les plus soumise qu’elle n’ait jamais croisé. Et si vraiment elle faisait confiance à un esclave -soit une sous-merde, soyons honnête- pour répéter des informations importantes sans les déformer, il était mieux d'être brisé et à la limite de ne plus avoir de personnalité du tout et de vivre uniquement pour servir son maître, sans quoi sa parole ne vaut plus grand chose.

Puis, le démon revint sur sa deuxième demande, démon dont elle n’avait pas le nom, d’ailleurs. Bon, pour l’esclave sexuel, le plus simple est toujours de prendre des femmes. Travaillant avec des drow, la plupart des femmes répugnent les hommes (sauf lorsqu’elles peuvent les humilier, ce qu’elles pourraient faire avec un esclave remarque, mais elles prendront du plaisir à le faire peu importe le sexe de l’esclave choisi, alors ce n’est pas vraiment à prendre en considération), et l’homosexualité entre homme est aussi quelque chose de très mal vu là d’où elle vient.
Haelune n’en a personnellement rien à cirer, mais dans ces conditions, elle est mieux d’acheter une femme. Remarque, le chien aussi fera l’affaire, mais quitte à avoir en tête d’en acheter deux, aussi bien aller voir la femme en question.

« Une femme c’est très bien. »

Pour ne pas dire l’idéal.

« J’aimerais bien la voir pour me faire une idée, par la suite si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’aimerais bien tester l’ouïe du chien... »

Il faudra qu’elle pense à prendre son nom, si jamais elle aime le chien, pour revenir lui en acheter. Bref, ce n’est pas compliqué à tester, elle n’aurait qu’à aller avoir une courte conversation avec un de ses gardes et lui demander de répéter. Si le marchand dit vrai, il ne devrait pas y voir d’inconvénient, sans quoi il allait risquer de s’emporter et de l’accuser de ne pas lui faire confiance, où elle ne savait quoi. Les démons préfèrent en général s’emporter et user de violence que de perdre la face, elle s’y attendait un peu, c’est pourquoi la Dalael était un peu sur la défensive en formulant sa demande, s’attendant un peu à une vive réaction. Enfin, ça c’est s’il mentait, bien sur.

Une femme douce, sans marque comme il l’avait dit, voilà l'esclave qui se profilait devant la Dalael. Haelune la regarda d’un œil inquisiteur. Des traits très humain, les yeux habitués de se faire regarder, dénudé de gêne quelconque. Elle semble connaître sa position et s’y tenir, pour l’instant. Des formes intéressantes, les traits féminins marqués. Avec un regard plus perçant, on peut distinguer quelques cicatrices, fines et pâles. Une peau qui marque peu et cicatrise bien, donc. La noire ne se fait pas d’idées; si elle ramène cette fille à ses subalternes, elle ne servira pas mal qu’à se faire passer dessus, et tous les drows n’ont pas la réputation d’être des enfants de cœur, encore moins dans un réseau de drogues (que voulez-vous…). Certains n’aiment pas cette réputation, mais Haelune ne tient pas à ce qu’elle soit démentie tout de suite, ça sert à beaucoup de choses que les gens aient une certaine anticipation à rencontrer des elfes noirs. Bref, cette esclave-là ne vivrait pas la vie facile d’une domestique qui astique les assiettes à longueur de journée, reste à voir si elle tiendra le coup. Au pire ça se rachète quand ça casse, ces ptites bêtes-là. Et peut-être servirait-elle à faire du ménage une fois de temps en temps.
Qu’elle ait un problème avec l’autorité n’inquiétait nullement la noire; la drow ne rechignerait certainement pas à remettre un esclave a sa place. Et comme l’esclavage n’est pas quelque chose de mal vu ni ici ni là d’où elle vient, Haelune se permettrait parfaitement de le faire publiquement en plus. Aucune gêne là-dessus. Le chien par contre semblait un peu plus estimable, et le démon revint ensuite sur le sujet de ce dernier, lui demandant de le suivre de nouveau dans la boutique. Elle hocha la tête doucement, ne disant mot. Vaut mieux ne pas donner ses impressions tout de suite.

Elle le suivit, revenant au chien, qui semblait avoir très bien comprit une chose : c’est elle qui dicte la marche à suivre à peine les paroles de son maître prononcées, les oreilles pointées vers elle. Bon toutou, beau dressage.

Bon, il lui restait à trouver la marche à suivre. La Dalael regarda rapidement aux alentours. Elle pourrait aller piquer une discussion avec un subalterne qu'elle avait laissé plus loin au port et lui demander de lui relater la discussion, mais c’était une perte de temps, et sans vouloir tomber dans le cliché, le temps c'est de l'argent - mais surtout qui aime perdre son temps dans la vie?

Non, elle avait une autre idée en tête qui prendrait au fin mot trois minutes, plutôt qu'une discussion où elle devrait trouver un sujet qui sort de l'ordinaire pour ne pas que le cleb le trouve sur un coup de chance. Elle repéra quelqu’un avec un stand près des ports, un stand bien ordinaire dans ces endroits, un homme qui vendait les fruits de la pêche. Crabes, poissons, autres espèces dont elle n'avait aucun intérêt car elle payait ses repas et ne cuisinait pas en général, coquillages, babioles.

Elle regarda le chien qui avait toujours les oreilles dressés, allant droit au but sans s'encombrer des formules de politesses réservées à tout sauf aux esclaves.

« Je vais aller poser une question au stand là-bas. Je veux savoir le prix de quel objet j’ai demandé et ce que le vendeur m’a répondu. »

Ce ne devrait pas être complexe en vue de la distance, n'aillant pas prit le stand le plus éloigné du port non plus, mais c’est surtout qu’il y avait beaucoup de bruit à cet endroit, avec les vas-et-viens, les matelots qui ne sont pas réputés pour leur silence lorsqu'ils chargent et déchargent les navires et les commerces aux environs.

Sur ce, elle tourna les talons et alla vers la boutique indiqué, d’un marchand très content de se faire approcher. Il vendait beaucoup de babioles et des bijoux, même des sacs en écailles de poissons ou cernés de perles. Sûrement là qu’on achetait du poisson frais, mais elle ne voulait pas demander du poisson, ça lui semblait trop évident. D’ailleurs, l’odeur ne lui plaisait pas, autant ne pas s’attarder trop longtemps. Pour ne pas s’entrainer dans un débat de prix inutile pour quelque chose qui ne l'intéressait point, Haelune essaya de repérer un objet qui appartiendrait clairement au vendeur. Il y avait un grand sac de cuir au pied de la table, ça ferait l’affaire. Surtout, ne pas pointer pour ne pas donner d’indices.

« Combien pour le sac de cuir au pied de la table?
- Oh, ce n’est pas à vendre… En fait, faites-moi un prix et je suis ouvert à…
- Non merci. »

Pourquoi les vendeurs étaient-ils toujours ainsi? Elle ne lui laissa pas le temps d’essayer de marchander, qu’elle retourna vers le démon et le chien. Il ne tomba pas dans le piège, d’ailleurs, relatant qu’elle voulait acheter un sac en cuir, mais qu’il n’était pas à vendre.
Elle hocha doucement la tête, convaincue.

« Je prend le chien et la fille. Il y a un nom par lequel le clebard se reconnaît, ou bien il répondra sous n’importe lequel? »

La femme, on s’en fiche un peu de son nom à dire vrai, mais puisqu’elle va sans doute utiliser souvent le chien, vaut mieux pas toujours avoir à dire «hey le clebs, viens t’en »… Quoi que ça sonnait pas si mal non plus.

D’ailleurs, le prix n’avait plus tant d’importance pour lui, elle se doutait qu’il le remarquerait et qu’il gonflerait un peu la facture, remarque elle s’en fichait. Mais exagérer pourrait simplement revenir à ce qu’elle n’y retourne plus, alors qu’une légère augmentation ne ferait que jouer en la faveur qu’elle retournerait le voir la prochaine fois.
En plus, pour un démon, il avait été agréable de faire affaire avec lui.